24 janvier 2012
The Londoner- Retour au Pays

La plus grande exposition des œuvres de David Hockney a ouvert samedi à la Royal Academy of Arts à Londres. Après avoir passé trois décennies en Californie, le peintre britannique a renoué avec son Yorkshire natal, de quoi donner libre cours à son romantisme.

Dès la première salle de l’exposition,  Hockney annonce la couleur –des paysages sur des toiles immenses, d’où le titre donné à l’exposition, « A Bigger Picture ».  Mais l’espace d’un instant, devant les quatre peintures sur huile qui représentent trois arbres, les mêmes, peints en été, au printemps, en hiver et en automne, on se demande alors si, malgré les couleurs éclatantes made in Hockney, on ne va pas être déçu par cette exposition annoncée par les médias britanniques à grands roulements de tambour. Et puis, dès la deuxième salle, la crainte de s’assoupir en regardant passer les feuilles roussies par l’automne s’envole. En quelques toiles, la carrière de David Hockney est là sous vos yeux, avec bientôt cette  évidence que sa fascination pour le paysage n’a rien à voir avec son entrée dans le troisième âge.

Des couleurs éclatantes

Tout juste diplômé du Royal College of Art, en 1962, Hockney part en Italie. Déjà, à l’époque, il explore le paysage, la perspective, avec une curiosité pour les maîtres italiens et un esprit frondeur. Suit la longue période américaine de l’artiste, celle des piscines californiennes- A Bigger Splash en 1967 et des premiers paysages démesurés. Mulholland drive, The road to the studio en 1980 donne envie de plonger tête la première dans un univers saturé de couleurs. Des couleurs heureusement trop éclatantes pour refléter quelque réalité que ce soit. Entre les courts de tennis et les collines, se glissent autant d’histoires que l’on veut.
C’est l’agonie d’un ami qui a conduit Hockney à revenir passer six mois en 1997 dans sa région d’origine située au nord de l’Angleterre. Pour autant, l’histoire d’Hockney avec le Yorkshire n’a rien d’un soap opera. L’artiste originaire de Bradford ne s’est pas amouraché du jour au lendemain de sa terre natale après l’avoir snobée pour les collines de Beverly Hills. Il lui a fallu des mois et de nombreux trajets au volant de sa voiture pour qu’il réapprivoise sa région d’origine, qu’il s’en empreigne. En ressortent d’abord six toiles peintes en studio où le trait de Hockney semble sincère, naïf. Les maisons au bord de la route sont couleur rouille, les chemins serpentent à l’infini. Une atmosphère fantastique s’instaure petit à petit avec cette idée que le chaperon rouge ou Alice au pays des merveilles pourraient surgir d’un moment à l’autre.
Un Ipad comme carnet de croquis

A cette première (re)prise de contact, succède la phase d’étude. Dans une myriade de petites toiles et de gouaches peintes en 2004 et 2005, le paysage est disséqué, sous plusieurs angles. Dans sa jeunesse, Hockney a travaillé comme ouvrier agricole sur ces mêmes terres. Sous ses pinceaux, on serait tenté de reconnaître la gestuelle d’un ouvrier qui s’est promis de retourner méthodiquement chaque centimètre carré de terre. Ici, Hockney s’arrête sur des meules de foin à la Van Gogh. Là, il peint une plante aux allures de chardons comme s’il constituait un herbier. Mais jamais le peintre ne réifie le paysage. Son approche est dynamique, multidimensionnelle.
Hockney ne contente pas de planter son petit tabouret en haut des collines au soleil de midi. Le peintre descend dans les sous-bois, et, là, les deux pieds dans la boue, il regarde passer les saisons, sans pur autant calquer son rythme de travail sur le passage du temps. Il crée à une vitesse étourdissante. En l’espace de douze mois, il  produit sept toiles gigantesques. Pour capter le plus rapidement possible ce paysage sans cesse changeant, Hockney utilise même un Ipad. Il s’est entiché de la tablette d’Apple dès 2008, avant sa sortie sur le marché et son succès mondial. Il l’utilise comme un carnet de croquis, avec un stylet. Ces dessins font partie des 150 créations exposées à la Royal Academy of Arts, le résultat –très proche des toiles peintes de façon traditionnelle par Hockney- important moins que la démarche.

Un univers merveilleux

Hockney finit par entrer dans ce paysage du Yorkshire à hauteur de sauterelles. L’arrivée du printemps à Woldgate, peint l’an dernier, est l’aboutissement logique et romantique d’un travail aussi minutieux que passionné. Le peintre précipite avec lui le visiteur dans un univers fantastique. Les portes de l’ « armoire magique » ne s’ouvrent pas sur un pays pris par les glaces comme dans l’œuvre littéraire de C.S. Lewis. Ici, les arbres, dont on ne voit pas la cime, sont aubergine, rouille ou d’un orange pâle tacheté de gris, les feuilles des arbres sont jaune et vert fluorescents. Face à cette toile gigantesque qui occupe tout un pan de mur de la plus grande salle de la Royal Academy of Arts, le visiteur a bien l’impression d’avoir basculé dans un autre monde-celui,  intérieur d’un ex-génie précoce qui, derrière ses petites lunettes rondes à la Harry Potter, a gardé la vivacité d’esprit et la fantaisie d’un gamin.

 

Par Amandine Alexandre

Exposition à voir à la Royal Academy of Arts à Londres du 21 janvier jusqu’au 9 avril 2012
La réservation des billets est vivement conseillée.

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