21 novembre 2011
The Barceloner-La voix du dimanche

 

C’est un homme comme un dimanche. Habillé de gris, raide, d’une droiture sans faille, sa barbe taillée est son excentricité.
Un homme comme un dimanche pluvieux, comme une gueule de bois, un homme qui se devait de gagner un jour comme celui-là. Dire qu’on commençait à aimer les dimanches.
On avait oublié un peu vite que c’est le jour en creux, celui du retour vers l’humidité des terres, c’est le coin du feu et l’ancestral, c’est le petit et l’étroit.
Il n’y avait qu’un jour vide et brumeux comme celui-là pour couronner ici en Espagne, le vainqueur des éléctions, Mariano Rajoy.
La vie politique espagnole est un long dimanche sans fiançailles. Le Parti Populaire l’anime de sa flamme singulière. Depuis plusieurs années déjà, Mariano Rajoy commente, opine, vitupère. Il ne manque aucune occasion de zézailler son mécontentement, qui est d’abord celui d’avoir raté l’accession au trône en 2004 pour de maudits attentats arrivés trop tôt. Depuis, il court derrière. Et déroule une politique à base de démagogie, d’insultes et de réflexions nourries par les grands penseurs de l’économie globalisée : « la crise, le chômage, la dette, la bulle, le désastre, c’est vous», en montrant du doigt le président du gouvernement, José Luis Zapatero. Sans parler, par décence, des inondations et des morts sur la route.

Si sa carrière d’opposant fut guerrière, sa campagne électorale s’est révélée édulcorée et vague. Plus d’attaques, une figure de rassembleur, et une volonté affichée de ne rien dire du tout. Il suffit parfois d’attendre et de surfer sur la vague. Alors Mariano a laissé ses cravates au vestiaire et a ouvert les mains. Le programme ? Gouverner, on t’a dit. Comment ? Ensemble. Les mesures ? Fermes. De quel type ? Variable. Et la suite ? Incertaine. Mais nous ferons, évidemment, tout notre possible. Merci.

Le dimanche, c’est le jour où la petite bourgeoisie de province, à Pontevedra comme ailleurs, s’autorise à une balade dans les rues de la ville, où l’on mangera les champignons cueillis le matin, c’est le jour où l’esprit se relâche et reprend la forme d’un fauteuil de campagne.
Le dimanche, on se souvient que c’était quand même bien, avant. On se prend à rêver d’une berceuse, d’une main douce qui nous endorme, d’un père sévère qui nous protège.
Le dimanche 20 novembre 2011, jour de brume et de pluie, on s’est souvenu brusquement pourquoi, enfant, on n’aimait guère ce jour-là. Le dimanche, c’était la fin d’une semaine, d’un monde, c’était une petite mort et, avant l’incertain début d’une nouvelle vie, le noir. Brusquement, en écoutant la voix de Mariano Rajoy et la vision du monde qui s’en échappait, on s’est rendu que rien n’avait changé, que le dimanche demeurait le jour du vide et de l’oubli.
Il ne reste plus qu’à espérer que les autres jours ne nous laissent pas tomber.

par Pierre Ducrozet

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