18 octobre 2012
Philippe Labro/ De l’Amérique, toujours

« Nous possédons tous un paysage intérieur, composé de musiques, lectures, personnages et événements, qui nous ont nourris, inspirés et éduqués ». Depuis qu’il fut l’Etudiant étranger, envoyé en totale immersion aux Etats-Unis, Philippe Labro a deux patries: la France- de naissance et l’Amérique- d’adoption, ce continent où il débarqua à 18 ans « les yeux tranquilles ». Ce pays ,  » volonté de coeur » selon Scott Fitzgerald, il lui rend un énième hommage avec ce très beau livre où de magnifiques photos s’accompagnent des textes écrits par ce monsieur qui possède une plume comme on peine désormais à en trouver. Car il en fallait du talent pour écrire 50 « Profiles », autant de personnages appartenant à son « Panthéon » personnel. Le choix ne fut pas facile comme lorsqu’il doit se faire entre Dylan et Springsteen, Sinatra et Nat King Cole, McQueen et Gary Cooper. « Parce que c’est eux, parce que c’est moi ». Paraphrasant Montaigne, voilà en tous cas un très beau recueil rassemblant  des Mavericks comme il les nomme, à l’image de ces pur sang libres qui choisissent les chemins de traverse là où les autres reste sur la main Line...

La grâce sous pression

L’occasion de retrouver des légendes, comme Mohamed Ali-Cassius Clay, ce boxeur qui « pensait » au point de jeter sa médaille olympique au fond du fleuve Ohio après qu’un restaurant noir ait refusé de le servir; Labro raconte alors ce combat où » il dansa comme un papillon et piqua comme une abeille ». Il parle aussi des coulisses comme pour Woody Allen, ces interview à la chaine où l’on a 10 minutes, aux questions si convenues que la moindre originalité vous vaut la complicité de ce délicieux juif intellectuel new-yorkais. « L’avantage d’être intelligent, c’est que l’on peut toujours faire l’imbécile alors que l’inverse est tellement impossible… » Emaillés de citations , avec un art abouti de conteur, chaque personnage croqué prend des couleurs pour exprimer cette « grâce sous la pression » comme Fred Astaire dansant huit heures par jour, avec « ce charme qui ne se fabrique pas, le talent ». Philippe Labro, loin de se reposer sur son unique style a fait un travail incroyable de recherches, mêlant anecdotes et souvenirs comme lorsqu’il vit Faulkner s’avancer devant lui dans un amphithéâtre d’université, en oubliant sous l’émotion de prendre des notes… ; de quoi découvrir que Richard Avedon débuta dans la photographie des autopsies, ou que Marlon Brando développa son caractère rebelle suite à son passage dans une académie militaire, cet homme « qui imposait le silence sans qu’on sache d’où il était venu ».  Les femmes? Il y en a moins mais quelles femmes ! d’Amélia Earhart -première femme à traverser l’Atlantique en avion, à Katherine Graham-impératrice du Washington Post, en passant par Katharine Hepburn-« la classe », Billie Holiday qui disait qu' »il était parfois pire de gagner un combat que le perdre » ou encore Estée Lauder, vendeuse infatigable allant jusqu’à arrêter les clientes sur le trottoir de la 5ème avenue. Et bien sûr Marilyn ou Rosa Park, cette femme qui refusa de se lever et laisser sa place dans la section « coloured » du bus à un blanc. Comment elle mis fin à cette ségrégation ancestrale, entrainant un boycott des bus par ses compatriotes pendant plus d’un an. C’était il n’y a même pas soixante ans. Ainsi, Philippe Labro offre-t’il au fil des pages des retours sur l’histoire, incarnée, de cette Amérique qui nous est si proche. Et par ailleurs, à l’image d’Oprah Winfrey, si « Only América »…

LM

 

Mon Amérique, aux Editions de la Martinière-30 euros

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