21 novembre 2015
Ouvrez-vos sacs

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Tout juste une semaine après les attentats les plus meurtriers que la France ait jamais connus, le politique a instauré l’état d’urgence jusqu’en février; un dispositif qui ferme théoriquement les frontières, et prévoit la possibilité pour les préfets d’instaurer des couvre-feux, de restreindre l’accès à certains lieux ou des mesures restrictives envers les individus sérieusement suspectés d’attenter à la sécurité de la nation, la face la plus visible étant pour le citoyen lambda l’intensification des contrôles pour accéder aux salles de spectacle, cinémas et autres centres de divertissements et de consommation.

Du Thalys à l’opéra

Donc aux fontières: le panneau horaires de la gare de Strasbourg annonce qu’ils seront renforcés dans le tram-train pour Offenburg, qui traverse le Rhin. Dans les faits, une brigade de la police aux frontières, secondée par leurs collègues flamands, vérifie simplement les titres d’identité dans la rame pour Tourcoing et Courtrai quand le Thalys de retour pour Paris se passe tout bonnement d’uniformes, à l’exception de ceux des chefs de bord et hôtesses pour le service à la place en première classe – rien à voir avec les chiens suisses et contrôle des passeports au retour de Lausanne.
Si en Belgique, à Gand ou Liège, l’ouverture des sacs, avec tables prévues à cet effet, devient désormais la règle pour se rendre à l’opéra, Stéphane Lissner, à Bastille et Garnier-les deux opéras sont sur la fameuse liste des cibles des terroristes, a voulu, contrairement à Michel Franck au Théâtre des Champs Elysées, limiter les portiques à l’entrée du personnel et des visites en journée – comme cela est le cas depuis de nombreuses années pour les musées – afin de ne pas angoisser le public, l’Opéra de Paris emboîte désormais le pas à la Comédie Française en interdisant les valises et sacs de voyage, que l’on sera priés de laisser à la consigne Gare de Lyon ou d’Austerlitz, où les tarifs ont presque doublé l’an dernier. Espérons seulement qu’un sac avec portable et documents au retour du bureau ne soit pas jugé trop encombrant. Le malheur des uns, c’est connu, fait les affaires des autres, et le leader suédois Securitas prévoit un millier d’embauches immédiates, au diapason de ses concurrents chez qui actualité rime également avec voracité. Sachant qu’une ceinture d’explosif est desormais une simple bande, et qu’on ne palpe encore personne à l’entrée, les kamikazes ont de beaux jours devant eux…Sans doute, les amateurs de cinéma le savent-ils avec au MK2 odéon, moins 70 % de fréquentation, y compris pour 007, meilleur démarrage de tous les temps. Il faut dire que c’était trois jours avant que le scénario rejoigne la réalité…

Milices alsaciennes

A l’Opéra du Rhin à Strasbourg, c’est par des milices douanières à l’allure patibulaire que l’on est accueilli : inspection à la torche des sacs à main et des manteaux que l’on est prié d’ouvrir, le tout formant des files d’attente sur la place Broglie rendant la foule vulnérable au premier terroriste venu. Le mieux est hélas souvent le plus sûr ennemi du bien.
Et comment ne pas songer aux portiques que madame Royal et Cie veulent voir aux abords des gares. Il est vrai que le business de la sécurité a besoin d’un coup de pouce et leurs lobbyistes sont assurés de l’oreille attentive de l’exécutif en cette période traumatique qui hébète la vigilance du peuple. Certaines voix veulent se modeler sur les pratiques israéliennes, où on passe sous un portique en même temps que l’on passe ses bagages aux rayons X, en oubliant que ce petit pays de huit millions d’habitants – les deux tiers de la métropole parisienne – ne compte que deux lignes ferroviaires. On s’y déplace plus souvent en bus, où il n’y a pas de pareil filtrage. Et l’Espagne souvent montrée en exemple, n’a installé de dispositif que pour les trains longues distances, alors que c’est dans quatre du réseau de banlieue, bien plus densément occupés aux heures de pointes, qu’ont éclaté les bombes. Autant infliger un remède de cheval au bien portant et laisser le malade à son sort. Sans doute parce que les flux ne sont pas maîtrisables à grande échelle : imaginez-le à une grande station de RER…

GL

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