14 janvier 2016
La Samaritaine, Lever de rideau !

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En 20 ans à peine de 1852 à 1870, le Baron Haussmann a transformé Paris de fond en comble. Destruction de milliers de maisons, percement de grandes avenues, création des gares et des grands jardins de la capitale, édification de milliers d’immeubles haussmanniens sur le même modèle. Un chantier inimaginable en somme, et une certaine uniformisation du bâti. Et voilà qu’un fragment du projet de rénovation de la Samaritaine défendu par l’agence japonaise Sanaa pour le compte de Bernard Arnault et du groupe LVMH déclenche une bataille juridique digne de l’huître et les plaideurs ! On croît rêver… Le conseil de Paris a tranché en dernier recours avec à la clé, la promesse que l’ensemble soit livré fin 2018.

L’objet du délit : une façade drapée d’un léger rideau de verre sérigraphié de 74 mètres de long pour 25 de hauteur arrimé sur une structure en plateaux. Elle endommagerait soi-disant gravement les perspectives de la rue de Rivoli, qui est à ce niveau composée d’immeubles disparates, de styles et d’époques variées, dont certains ont une façade en verre. Faites l’expérience en marchant dans une grande avenue : une façade de cette dimension est perceptible sur une distance totale de 300 mètres, et seulement depuis le trottoir d’en face.

Le rideau sacrilège a bloqué la totalité du projet. Après tout Guy de Maupassant demandait la destruction de la Tour Eiffel, le centre Pompidou a fait scandale et la pyramide du Louvre de Peï a été l’objet de toutes les critiques. Ces OVNI se sont pourtant intégrés en douceur dans le tissu urbain.

Après une guerre de positions qui a duré près de cinq ans, le permis de construire est enfin validé. Rendez vous sur le site www.projets-architecte-urbanisme.fr pour découvrir toute l’élégance et la rigueur de la rénovation des magasins de la Samaritaine. Rien d’étonnant, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, les architectes de Sanaa, ont aussi décroché le Pritzker et signé entre autres le subtil nouveau Louvre de Lens.
La Samaritaine new-look sera un ensemble de commerces de luxe. Elle emploiera à terme 4400 personnes. Le nouveau bloc est assorti du Cheval Blanc un hôtel de 72 chambres plutôt chicos et le projet gardera bonne conscience en proposant 96 logements sociaux.
Cette architecture tout en transparence s’accorde en souplesse à la Samaritaine de Frantz Jourdain de style Art nouveau et à l’ancien Magasin N°2 d’Henri Sauvage d’esprit Art Déco.
Mais rien à faire, s’il convient de contrôler les projets audacieux, les grincheux oublient une fois de plus que la ville traditionnelle est le fruit d’innovations qui ont été adoptées par les habitants au fil du temps. Une ville calcifiée meurt, pour garder son âme, elle doit se réinventer en permanence dans la modernité.

Par Jef Rémy

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