20 décembre 2014
De Rome à Naples, la saison s’ouvre par temps de crise

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Si les difficultés économiques se trouvent sur le devant de la scène un peu partout en Europe, celles que connaît le secteur lyrique en Italie sont sans doute le plus symptomatiques de l’inquiétante situation actuelle, qui plus est dans un pays où l’opéra est une tradition réputée ancrée dans les gènes. Au point que la démission de Muti cet automne menaçait de compromettre la saison de Teatro dell’Opera de Rome.  Ainsi, c’est en à peine un mois que l’Aïda inaugurale a été remplacée par une Rusalka mise en scène par Denis Krief. Si le concept scénographique affiche une sobriété moderne un rien consensuelle dans son économie minimaliste, on ne peut cependant que saluer un résultat abouti qui met en place efficacement les pôles essentiels de la légende de l’Ondine inspirée à Kvapil par La Petite Sirène d’Andersen. Les lumières sculptent les atmosphères avec une indéniable poésie, tandis que les chorégraphies de Denys Ganio – le père du plus jeune, mais non le plus récemment nommé, danseur étoile de l’Opéra de Paris – affichent une certaine vitalité.

Minimalisme et jeunesse vocale

A défaut d’entendre les voix les plus célèbres, la distribution vocale met en avant des valeurs montantes de la nouvelle génération, à l’instar d’Anna Kasyan, Rusalka plus complexe que les caractérisations habituelles. La soprano géorgienne ne se contente pas de l’innocence ; elle fait affleurer les sentiments qui agitent le personnage et habite intelligemment l’écrin scénique – la détresse qu’elle exprime face à son père à la fin du deuxième acte s’avère saisissante de ce point de vue. Peter Berger lui répond en Prince à l’éclat indéniablement slave, que l’on réentendra avec intérêt dans d’autres rôles du répertoire. Larissa Diadkova préserve la sorcière Ježibaba de la caricature, tandis que Michelle Breedt incarne une solide Princesse Etrangère. Signalons également un trio de nymphes de belle tenue  – Anna Gorbachyova, Federica Giansanti et Hannah Esther Minutillo. Quant à la direction d’Eivind Gullberg Jensen, elle respire un romantisme mélancolique, plus sensible parfois aux influences germaniques de la partition qu’aux saveurs bohémiennes.

Un Trouvère de répertoire

Deux cent kilomètres plus au sud, Naples n’a pas cédé à l’italianità pour sa première production de la saison, quand bien même Le Trouvère de Verdi est ici réglé par un metteur en scène polonais, Michał Znanicki. Bleu pour le Comte de Luna et rouge pour les gitans, et un décor plus descriptif que novateur : à défaut de rebattre les cartes du drame d’une manière originale, la production le suit à peu près littéralement, si ce n’est avec un soupçon de paresse pour ce qui est de la direction d’acteurs, les chorégraphies de Sandhaja Nagaraja rehaussant modestement l’ensemble. Les formats vocaux attendus répondent présent, la nuance moins systématiquement. Cela se vérifie avec le Comte de Simon Piazzola, remplaçant au pied levé George Petean souffrant, et encore plus par le Manrico d’Alfredo Kim, indéniablement vaillant, voire démonstratif. Anna Pirozzi réserve plus de complexité pour Leonora, et l’on oubliera quelques passages à l’assurance perfectible. On sera plus agréablement surpris  par le Ferrando équilibré de Carlo Cigni que par l’Azucena d’Enkelejda Shkosa. Et l’on notera l’enthousiasme de Nicola Luisotti, directeur musical du San Carlo, salle mythique pour les mélomanes.

GL
Rusalka, Teatro dell’Opera,  Rome – Le Trouvère, Teatro di San Carlo, Naples, décembre 2014

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