21 novembre 2015
Tout petit deuil

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Perdre, c’est devoir revenir à zéro. Et faire le deuil de la relation que l’on avait avec une personne dans les pires des cas ou avec un animal, un objet. Etre amputé d’une partie de soi-même. Et pleurer sur cette relation, c’est à dire sur soi-même. Un trajet en voiture éprouvant, la fatigue, l’inattention, une portière qu’on ouvre, le portable qui tombe. On le cherche partout, dans le salon, le jardin, les prés, on tente de se souvenir; lentement les heures passent, et bientôt l’évidence confortée par la géolocalisation de ces petites merveilles traçables. Il a été volé. Depuis des heures une main inconnue, forcement mal intentionnée navigue dans votre vie, vos photos que vous n’avez nulle part sauvegardé pas plus que vos contacts. Une année de vie, les lapins lorsqu’ils étaient bébés des enfants, le cheval lorsque vous l’avez pour la première fois vu, ces photos de tableaux qui vous ont tant plu, Arles qui vous a transformé en photographe amateur, le jardin à toutes les saisons, les vidéos prises en cachette du cours de danse classique de votre fille, votre fils sur son premier poney, tout cela s’est envolé dans une main qui a récupéré un vieux I phone côté moins de 100 euros.

L’amitié alors de celui qui vous prête le sien en dépannage express-de Lausanne post attentat, sa facture va être salée, la déception face à un autre qui n’a aucun mot face à votre désarroi, et le marathon pour retrouver ses sms, interroger son répondeur sans avoir le code et récupérer sa carte SMS. Client RED de SFR, donc low cost, une première boutique boulevard Saint Michel vous accueille à peine. Le vendeur n’a même pas de carte SIM. Jeune, genre macho, il ne peut rien pour vous à part vous vendre une housse ou un chargeur. On lui demande son nom pour s’en plaindre: Jean Pierre, nom? Connasse. Ah vous êtes journaliste? Chez Playboy? Le sexisme à l’état brut, comme la connerie. Télérama vous a offert un smartphone chinois; Android, il faut tout réapprendre. Quitter le monde intuitif d’Apple pour un autre, effrayant, où l’on se sent diminué, incapable. Et qui,r s’il offre un écran plutôt mieux ne fait pas téléphone, vu la qualité effrayante du micro. Quant aux photos, rien à attendre du piqué des Apple.

Et ce voleur? Sans doute un fumeur de pétard qui, de la Sarthe est allé en Haute Marne fumer ici comme les randonneurs le confirment dans ce petit bois où le téléphone a été localisé. Peut-être l’a-t’il jeté. Le commissariat de Chamount a envoyé une équipe; autant chercher une aiguille dans une motte de foin. Mais, il ne faut jamais rien regretter surtout sur les terres de Charles de Gaulle, la Boissière étant à un battement d’aile d’aigle. Alors Jim y est allé, encouragé par ses amis « tu vas le retrouver, j’en suis sûr ».

Le temps était magnifique, les feuilles, de la même couleur cognac que la housse de mon portable,  jonchaient le bois où l’on demandait de « tenir les chiens en laisse ». Six chevaux noirs, des Mérens, surveillaient nos allées et venues. Une randonneuse suisse promit d’appeler au cas où, encourageant nos recherches aidées par le flair de Jim qui, en photo en fond d’écran dudit portable, « devrait retrouver le téléphone s’il est prétentieux ». Mais nul miracle, la ballade fut vaine, à l’exception de rencontres et du plaisir d’écouter Barbara ou la course des planètes, sur la route, avec un frère de coeur. Je cherchais mon portable, j’ai trouvé les autres. Ce n’est pas si mal.

LM

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Un groupe de randonneurs qui le cherche encore, je suis en rouge au milieu…

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