10 décembre 2018
Paris brûle t-il?

Dans le théâtre classique français, une pièce comprend cinq actes. L’Acte IV ce samedi 8 décembre 2018 a évité les morts annoncés par l’Elysée, pas les bavures ni les blessés. Le reportage d’Envoyé Spécial sur France 2 ce jeudi soir est édifiant, montrant les mutilations dont ont été l’objet des gilets jaunes pacifistes comme cette étudiante en philosophie qui a perdu un oeil sur les Champs Elysées ou encore Antoine qui a eu la main pulvérisée par une grenade à Bordeaux, sans compter cette femme main en l’air sur laquelle on tire un flashball en plein ventre.  En débutant sa prise de parole si attendue (23 millions de téléspectateurs, mieux que la Finale de la Coupe du monde de foot) par des félicitations aux forces de l’ordre, Emmanuel Macron continue sa marche dans le mur. Et ce n’est pas l’édito de commande d’Hervé Gattegno dans le JDD (qui aurait mieux fait de rester chez Vanity Fair à lire sa charge contre les Gilets jaunes) « La France se nuit »-évoquant des « scènes barbares » de la part des casseurs qui va faire changer d’avis ces Gilets jaunes qui recueilleraient 12 % des votes aux prochaines européennes selon un sondage Ipsos. Ni les lycéens même pas évoqués dans l’allocution, forcés de s’agenouiller les mains sur la tête comme ces jeunes de Mante la Jolie, sous les quolibets d’un CRS « voilà une classe bien sage », une scène rappelant les pires images de prisonniers à Guantanamo, cela n’en déplaise au pseudo philosophe Raphäel Enthoven, qui a osé tweeter: « J’appelle connard celui qui s’agenouille sans qu’on l’y contraigne. Et qui prend ça pour de la subversion, alors qu’il offre l’image d’une servitude volontaire. » Les lycéens, qui continuent à occuper leurs établissements pour protester contre un Ministère de l’Education 2.0 avec les ratés de Parcoursup et pour défendre les étudiants étrangers qui ne pourront pas s’offrir la France avec des frais d’inscription qui ont augmenté pour la rentrée prochaine de 1000 %, apprécieront. 

Dégradations ciblées

Le gouvernement avait promis « des morts » samedi dernier, il y a eu des roses blanches offertes aux CRS. Paris avait ce 8 décembre 2018, loin des bavures sur les Champs Elysées,  des airs de ville sans voiture, sans lumières, sans consumérisme, bref une journée empreinte carbone zéro. Une journée « verte » comme on en rêverait après la Journée mondiale du climat de la veille, avec toutefois quelques saccages comme ce Go Sport étonnamment non protégé place de la République et qui a vu s’envoler maillots de l’équipe de France-95 euros le morceau de tissu synthétique aux deux étoiles et autres Nike fabriquées par des enfants à l’autre bout du monde-sans passage à la caisse.  Mais pour l’un d’eux assistant à la scène, cela a finit la bouche en sang, une dizaine de dents cassés (décidément c’est une manie cf mon placage pendant la COP21-lire article) ayant eu la malchance d’être chopé par des CRS-SS équipés comme des ninjas. Un café Starbuck a lui été vandalisé à Saint Lazare; aucun mug volé, juste un tag: « Paye tes impôts en France »; sans doute son auteur avait-il vu le documentaire de Luc Hermann et Gilles Bovon,Starbuck sans filtre diffusé sur Arte en août 2018 qui dénonçait les conditions abjectes de travail de ses employés, son Greenwashing  et son optimalisation fiscale.

Macron, Jupiter, que de la glace

Le Préfet de Paris, Michel Delpuech, malgré le scandale de l’Arc de Triomphe vandalisé car laissé sans aucune protection policière samedi dernier, va donc garder son job et les 1385 interpellés vont pouvoir pour certains comme ce jeune témoignant au JT de France 2, conserver juste un souvenir amer de son samedi passé de 10 heures à minuit en garde à vue pour avoir commis le crime d’avoir sur lui un simple masque à gaz. « Circulez, y’a rien à voir », dimanche, l’heure était au rattrapage consumériste, avec chants de Noël et contre plaqués retirés à la hâte pour que Paris redevienne Paris. La fonctionnelle comme on l’appelle-l’élite des éboueurs, payée 2500 euros net contre le SMIC pour les autres, a donc travaillé dès potron minet pour nettoyer la ville et satisfaire les commerçants qui se lamentent devant les caméras de « BFMerde TV » comme l’on rebaptisé à juste titre nombres de Gilets jaunes.

Du côté des verts, privés de leur marche pour le climat en 2015, faute à l’état d’urgence après les attentats de novembre et malgré la volonté du Ministre de l’Intérieur, évoquant pour le mouvement des Gilets jaunes « un monstre qui a échappé à ses géniteurs » de les en priver à nouveau, l’ambiance était bonne enfant du côté de la République. « Plus de banquise, moins de banquiers », « Qui sème la misère récolte la colère », « Changeons le système, pas le climat », chacun y allait de son slogan, certains arborant le gilet jaune avec cette idée que mélangé à du bleu, cela donne du vert… La veille, rue de Rivoli, l’ambiance était toute autre, avec les magasins les uns après les autres vidant leurs vitrines, protégeant ce qui pouvait l’être avec les moyens du bord. Kim, vendeuse chez Mango à mi-temps malgré son diplôme de graphiste expliquait que, si elle n’avait pas été pour les Gilets jaunes au départ, trouvant dommage que « l’on se mobilise pour payer moins cher son gasoil,  face à l’arrogance de Macron, elle se sentait aujourd’hui vraiment solidaires avec eux ».

Peur sur la ville

Dont acte, et tant pis pour les expatriés qui trouvent encore de Casablanca à Barcelone, Macron « brillant » ou pensent que le mouvement finira avec la bûche de Noël. Ils n’ont pas vécu Paris figé ce samedi, vidé de ses habitants qui, pour certains ont fui vers la province, d’autres se barricadant chez eux, ou encore ceux qui ont fait des stocks d’eau et de pâtes tandis que dans les beaux quartiers, ils interdisaient à leurs enfants toute sortie du domicile familial. Vitres des abribus démontés, des tonnes de grilles autour des arbres descellées-au total avec près de 2000 éléments du mobilier urbain démontés en hâte, des milliers de contreplaqués pour les magasins ayant 700 euros à investir pour protéger leurs vitrines, Paris samedi dernier avait de quoi faire peur avec l’idée que c’est devenu le plan com de l’Elysée, au point que les théories de complot suite à l’attentat terroriste à Strasbourg de mardi soir circulent sans filtre sur les réseaux sociaux. Les folles rumeurs aussi comme l’annonce de nouvelles fusillades ce jeudi, montrant bien les dérives de Facebook ou de Twitter.

Noël en jaune ?

Côté des Gilets jaunes, la mobilisation continue avec des revendications « moi je veux » forcément ingérables et bien loin de celles de Mai 68 face à une France divisée en deux- 54 % des Français affirment vouloir que le mouvement cesse- et ce qu’un d’entre eux a rebaptisé « l’Opération Pièces jaunes » ou le « Joyeux Noël, les pauvres! » du Président: heures sup non imposées, CSG supprimée sur les pensions retraites inférieures à 2 000 euros, SMIC augmenté de 100 euros. Quant aux primes de fin d’année, au vu de la catastrophe économique « en marche » que valident en double page dans Le Parisien (propriété de Bernard Arnault, patron de LVMH) des pêcheurs à Sète et une pauvre Parisienne qui, terrorisée est obligée de fuir Paris tous les we-sic , il est à parier qu’elles ne seront pas très juteuses. Les caissières de la grande distribution qui annonce une perte de un milliard d’euros depuis novembre en seront pour leur SMIC!

Voyons donc ce que ce samedi et son Vème Acte- une République 6.0?- nous réserve, avec le parti de Marine Le Pen crédité ce jeudi de 24 % des intentions de votes aux Européennes contre 19 % pour la France En marche et 9% pour les Insoumis (la plainte pour « diffamation et incitation à la haine « de France info contre Jean Luc Melenchon #je suisunabruti, invitant à « pourrir » la vie des journalistes vient d’être déposée au Tribunal de Marseille).

Une chose est d’ores et déjà sûre: ce n’est pas Macron-devenu un « totem révulsif » selon l’expression du journaliste politique Alain Duhamel qui en a vu tant d’autres- qui, tout seul, l’écrira. Car, s’il y bien quelque chose que les 2000 Gilets jaunes irréductibles, « des Gaulois sans potion magique » ont appris-le temps passe lentement sur les rond-points, on a le temps d’y parler plus que dans les ministères- c’est pour citer l’un d’eux: « Si, seul, on peut aller plus vite, à plusieurs, on peut aller plus loin », remerciant au passage Emmanuel Macron d’avoir permis le réveil de la France d’en bas. Et cela, même si les touristes américains et les plus nantis iront réveillonner ailleurs.

Par Laetitia Monsacré

A l’angle de la rue Saint Honoré et Royale, personne ne passe

Chez Fendi, non loin, on peut entrer mais juste pour voler les murs!

Mais rassurons-nous, les vrais voleurs sont à l’abri!

Surtout des dangereux marcheurs place de la République

Ou des très très dangereux chiens comme Jim

Samedi, la République était zadiste, et les chars d’assaut avec des gaz paralysants(info vérifié par Marianne) prêts à intervenir comme à Notre Dame des Landes

 

 


Et pour se détendre, notre Mireille Nationale!

 

 

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