Les Enfants Terribles, c’est avant tout, un roman écrit en dix-sept jours par Cocteau en 1929 et porté au cinéma par Jean-Pierre Melville en 1950. Quatre ans après une première adaptation lyrique du roman, le talentueux compositeur Philip Glass réinvestit l’Athénée Théâtre dans une toute nouvelle mise en scène. Orphelins liés par une relation fusionnelle et destructrice, Paul et Elizabeth, s’affrontent dans un jeu obsédant de désir et de provocation. Touché à la poitrine par une boule de neige lancée par Dargelos, un camarade de classe, Paul est contrait au repos dans la chambre qu’il partage avec sa sœur. Le dortoir se transforme alors en monde de codes et de chimères dans laquelle on vit en vase clos et où le temps s’arrête en de lancinantes mélopées. « Elle l’avait épousé pour sa mort ». Seuls Gérard et Agathe, joués respectivement par Olivier Dumait et Amaya Dominguez, pourront pénétrer dans l’univers des deux adolescents. Mais le tandem étant lié par une affection exclusive, le jeu se transforme alors en lutte autour de laquelle Elizabeth tissera une toile machiavélique, et comme toutes tragédies, l’issue ne pourra en être que fatale. Incontournable du mouvement répétitif, le musicien et compositeur américain Philip Glass, s’est particulièrement rendu célèbre par Einstein on the beach, Music in twelve parts ou encore la musique du film The Hours.
« On va pouvoir partir jouer le jeu »
Les structures répétitives de Glass trouvent leurs équilibres dans des choix mélodiques élégants. Les trois pianos (joués par Emmanuel Olivier-qui assure également la direction musicale du spectacle- Anne-Céline Barrère, Nicolaï Maslenko,) donnent, par leurs combinaisons harmoniques et la manipulation de motifs se faisant écho sur d’infimes variations, une grande intimité aux têtes à têtes frère-sœur, tout en préservant la puissance du drame. Cette partition épurée donne une tonalité grave et envoutante à la spirale infernale qui enferme le couple Paul (le baryton Guillaume Andrieux)-Elizabeth (interprétée par la pétillante soprano Chloé Briot). La très belle mise en scène cinématographique de Stéphane Vérité parvient à transcender le monde ordinaire par l’imagination grâce à des créations graphiques en mouvement continu, qui accompagnent en douceur le jeu dans sa progression dramatique. Les projections en trompe l’œil donnent à voir des mondes réels en perpétuelle transformation faisant écho à la fantasmagorie du monde des enfants. Cette scénographie grandiose contraste avec la simplicité du jeu des interprètes. Certes c’est le choix de Glass mais on regrette toutefois quelque peu cette interprétation par trop retenue. A noter que France 2 diffusera début 2013 Les enfants de la voix, un documentaire réalisé par Stéphane Vérité racontant l’histoire des chanteurs et du spectacle.
Par Laura Baudier
Les enfants terribles de Jean Cocteau par Philip Glass- Théâtre Athénée Louis Jouvet, jusqu’au 2 décembre