27 mai 2023
Baroque and beyond au Festival de Sablé

Rendez-vous majeur de la musique baroque depuis plus de quatre décennies, le Festival de Sablé ouvre – avec son association à la scène nationale de la ville sarthoise et l’arrivée d’une nouvelle directrice artistique depuis l’année dernière, Laura Baert – sa programmation au-delà de son cœur de répertoire, tissant ainsi des liens entre des publics parfois compartimentés. La journée du 24 août offre un condensé de cette approche plurielle, entre décantation chorale de la Renaissance anglaise et passerelles entre les genres, avec Bach et les Beatles, dans un essaimage au sein du territoire.

C’est à quelques kilomètres de Sablé, dans la Basilique Notre-Dame du Chêne à La Chapelle du Chêne, que Vox Luminis propose un panorama de Renaissance élisabéthaine a cappella, servi par l’homogénéité de l’ensemble belge. Des compositeurs emblématiques de l’époque, Tallis et Byrd, voisinent avec des noms souvent oubliés – White, Sheppard, Tomkins, Ramsey ou Weelkes, lequel, comme Byrd, est mort il y a tout juste quatre siècles. Au fil de la modulation des configurations, sur la scène ou au fond du choeur, la sobriété, sinon l’austérité, de ces pages religieuses autour du thème « ombre et lumière », est révélée avec une constance fervente. Elle esquisse une mise en espace, aux allures de procession plus grave que le tempo des partitions, pour les trois Funeral sentences de Morley qui referment un concert à l’issue duquel un bis serait superfétatoire.

Bach et les Beatles

Le soir, le festival dépasse pour la première fois les limites du département, dans la Mayenne voisine, au Théâtre des Ursulines Château-Gontier, une salle rappelant un peu l’Art Déco dans un ancien couvent. Les cinq musiciens de l’ensemble Spark – piano, violon, violoncelle et deux flûtes à bec, l’un des deux solistes jouant aussi du mélodica – rapprochent Bach et les Beatles dans des transcriptions parsemées de petits éclats de Berio. Dans un kaléidoscope présenté par Daniel Koschitzki, Les solistes allemands révèlent une vélocité virtuose dans la Badinerie de l’Ouverture n°2 ou quelques Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré de Bach réorchestrés pour cette formation de chambre. Les deux paraphrases du pianiste de l’ensemble, Christian Fritz, réinterprètent librement les thèmes du Cantor de Leipzig, parfois assaisonnés des Fab Four, comme dans Triple B, où la trace de Berio reste anecdotique, comme dans ce patchwork qui, en réduisant la verve de l’auteur des Sequenzas à des bribes de pittoresques dissonances, n’initie guère les novices à la richesse des saveurs de la musique contemporaine. La lourdeur de certains arrangements, où le goût s’incline parfois devant l’effet facile, ne contribue guère à la fertilité manquée de louables intentions expérimentales. Si le public ne boude pas son plaisir, sa curiosité aurait pu être excitée davantage par ce deuxième concert – également aux couleurs de l’Angleterre, très en vogue en cette année du couronnement du roi Charles III – au sein d’une 45ème édition parrainée par un des meilleurs explorateurs du Baroque d’aujourd’hui, Leonardo Garcia Alarcon.

Par Gilles Charlassier

Festival de Sablé, jusqu’au 26 août 2023, concerts du 24 août 2023.

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