10 novembre 2011
Vibrante Ardant

« Je savais mais je refusais de savoir ». Comment fait-on face à ce que l’on redoute le plus ? Votre mari qui s’effondre devant vous, un soir déjà difficile après que votre fille soit tombée quelques jours avant dans le coma-comme ça. Un jour, tout s’écroule et il faut survivre; voilà ce que raconte cette pièce « L ‘Année de la pensée magique » écrite par l’américaine Joan Didion. Comment cela peut arriver à n’importe qui, « comment l’on peut rater à ce point les signes » et « tester les stratégies pour rester à flot ». Survivre à cet homme qui lui disait « Je t’aime plus encore qu’un jour de plus » et à sa fille, intubée qui mourra elle aussi, à trente neuf ans. Joyce Carol Oates, autre grande écrivain américaine-on lui doit un Blonde sur Marilyn Monroe magistral- a vécu elle aussi la disparition de son mari et décrit dans son dernier livre « J’ai réussi à rester en vie » cet avant, ce temps « où nous étions en vie ». Car c’est bien la mort qui investit la scène de l’Atelier, partenaire invisible de Fanny Ardant, offrant sa silhouette à la fois fragile et si présente, seule mais ô combien vaillante face à elle. Une heure et demi durant, elle résiste, fuyant les endroits qui lui rappellent l’insoutenable et espérant que « ces médicaments synonymes de on fait ce qu’on peut » vont sauver ceux qu’elle aime, et que «  si je peux la garder en vie (sa fille), John (son mari) reviendra ». De temps en temps des notes de piano viennent la soutenir, les lumières l’accompagnent , la salle aussi, consciente que c’est être une grande comédienne que de parvenir à occuper l’espace comme cela, avec un texte qui est somme toute assez banal. Oui mais voilà, avec Ardant, les phrases deviennent habitées, tout son visage devient mobile,  au service du public; celui ci qui le lui rend bien comme le prouvent ces applaudissements nourris ce soir là où parmi ces anonymes, Lambert Wilson, Marina Fois, et une autre reine, Catherine Deneuve- étaient venus rendre hommage à cette comédienne rare et résolument ardente.

LM


Théâtre de l’Atelier à 21 heures

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