19 mai 2017
Venise, une Biennale en panne

Ceci n’est pas une oeuvre d’art mais une « installation » réalisée par un vénitien excédé par la saleté de cette ville où les poubelles sont aussi rares que les bonnes pizzas (les fours à bois étant interdits). Et pourtant, à l’issue de la visite des pavillons nationaux du Giardini ou des hangards de l’Arsenale, les deux lieux qui accueillent cette 57 th Biennale d’art à Venise, sous l’égide pour cette édition de la française Christine Macel, on se dit qu’elle y aurait eu toute sa place. La fin de la civilisation? Vidéos omniprésentes comme dans le pavillon hollandais ou espagnol où elles consistent l’unique oeuvre d’art, performances comme ces danseurs pour l’Allemagne, studio d’enregistrement en contre plaqué en France avec Xavier Veillan-seule la fête inaugurale valait le détour- on cherche désespérément les explications et l’on ressort bien souvent sans avoir rien compris comme dans le pavillon grec- des interviews filmées nommées Le laboratoire of Dilemmas???. Le néant subjugue bientôt le visiteur qui regrette la place Saint Marc qui, quoique bondée, offre au moins un choc visuel sans cesse renouvelé.

L’art et le néant

A la Fondation Prada, les visiteurs patientent sous un soleil implacable pour voir des portes qui s’ouvrent sur une chaise en plastique avec un sentiment de supercherie qui vous prend bientôt à la gorge dans cette ville où le bruit des valises à roulettes est devenu omniprésent, dans des ruelles où les horribles verroteries et autres masques de carnaval attendent le touriste en short portant banane. Heureusement, il reste les église comme cette très belle installation à la Maddalena avec une musique méditative de Dustin O’ Halloran ainsi que des palais méconnus où l’on voit encore de l’art comme le Palazzo Mora avec une fête arrosée de Bellini pour la soirée d’ouverture, tout comme au Palazzo Benibo sur le Grand canal où l’on pouvait « brûler « ses peurs en glissant un petit papier dans l’urne imaginée par la vénézuélienne Nini Dotti ou admirer les oeuvres en carton plissé de la coréenne Kim Wan.

Le off pour rattraper le in

Mais c’est encore au Palais Fortuny que cette biennale réservait la meilleure surprise. Baptisée Intuition, c’est le grand décorateur belge Axel Vervoordt qui a imaginé ce cabinet de curiosité associant sculptures de Chillida, toiles d’Alinchinski à une magnifique paravent tressé comme une côte de maille de El Anatsui ou des bustes florentins. On y découvre aussi les techniques mixtes de Maurizio Donzelli, ailes de papillon infinies en plastique avant de pouvoir au dernier étage devenir soi même artiste avec des petites boules d’argiles à modeler sur une immense table commune. Immense, voilà le mot d’ordre qui a guidé Damien Hirst à la Fondation Pinault qui lui a offert son Palazzo Grassi et l’intégralité de la Pointe de la Douane  pour exposer ses dix ans de travail autour du navire échoué l’Incroyable, retrouvé en 2008 aux large de la côte est africaine, recelant dans ses entrailles les trésors d’un collectionneur du siècle premier. Damien Hirst a imaginé des coraux géants et confié à la mer de monumentales sculptures pour qu’elle les « custumise » à sa façon.  Autre artiste que l’on ne présente plus, Jan Fabre a travaillé sur le verre pour des ovules cernés de spermatozoïdes ou des robes de moines en os présentées dans la très belle abbaye San Gregorio. Non loin de là, le toujours aussi joli hôtel particulier de Peggy Guggenheim accueillait sur ses cimaises le peintre anglais Mark Tobey, pour des toiles entre Raoul Dufy et Rauschenberg ainsi qu’une artiste méconnue du début du XXème siècle, Rita Kernn-Larsen. Enfin, au pied du pont de l’Academia, l’Institut de l’art vénitien réservait aux visiteurs avec Glasstress de magnifiques oeuvres toutes réalisées en verre tandis que face à lui, le Pavillon de l’humanité recelait un petit trésor: une pièce entièrement réalisée avec des cravates imaginé par l’israélienne Michal Cole; autant d’ expositions du « off » qui confirment que c’est désormais là que cela se passe et non plus dans le « in » qui a pris un sérieux coup dans l’aile malgré quelques chocs visuels comme dans la Salle d’arme de l’Arsenale, cet imposant cheval de l’artiste argentine Claudia Fontes. Reste le plaisir du lieu unique et le meilleur rapport qualité prix pour le spritz dans la ville à la terrasse du Leon Bianco, face aux deux lions de l’Arsenale: 2 euros 50, la gentillesse en plus.

LM

Claudia Fontes et son cheval monumental à l’Arsenale

Sundoor at world’s end de Slater B. Bradley à l’Eglise La Maddalena

Lustre muranien et art contemporain au Palazzo Mora

L’aqua Alta revisitée au Palazzo Benibo

Magnifique cabinet de curiosité au Musée Fortuny

Le verre dans toute sa splendeur avec l’artiste américaine Karen Lamonte

Monumental Damien Hirst au Palazzo Grassi

Version féminine à la Pointe de la Douane

La domination masculine à travers les cravates de Michal Cole

Très belles oeuvres en papier de Claudine Drai au Palais Contarini Polignac

Jan Fabre et ses pigeons en verre s’oubliant sur les murs de l’abbaye San Gregorio

Le Pavillon finlandais, beauté simplissime

 

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