23 décembre 2017
Valses tsiganes à Genève

 
Genève ne se résume pas à son jet d’eau, son lac et ses coffres-forts. C’est aussi une porte d’entrée pour les Alpes, et pas seulement suisses : l’aéroport porte bien son nom d’international, avec une sortie côté France pour rejoindre directement la Savoie – et un contrôle douanier. Il serait dommage de ne pas en profiter pour faire une escale dans la cité de Calvin, et à l’Opéra des Nations, structure temporaire toute en bois où le Grand-Théàtre a déménagé pendant les travaux de la place De Neuve.
Et en cette période de fêtes où les ouvrages légers sont de rigueur, c’est une opérette de Strauss qui est mise à l’affiche, Le Baron tsigane, bien plus rare  sur les scènes francophones que La Chauve-souris, peut-être en raison de son folklore très austro-hongrois, d’abord à destination du public germanique, même si, dix ans après la première à Vienne en 1885,  une version en français a été créée à Paris, et qui sera celle donnée aux spectateurs genevois pour cette fin d’année.
 
Strauss sur fond de Monopoly
 
Pour décor du Monopoly qu’est le retour au pays de Sándor Barinkay, qui retrouve ses terres  après l’exil de son père, convoitées par son voisin, Zsupán, »le roi du cochon « , d’autant que s’y cacherait un trésor, ici une malle de billets avec blague obligée sur les banquiers suisses, Christian Räth a choisi un plateau de jeu avec cartes en guise de pancartes à la Brecht. La mise au goût du jour se fait par les costumes de Leslie Travers, habillant les bohémiens à la façon de punks en cuir, tandis que le Zsupán ressemble à un boucher de supermarché, et les chars tout de vert chewing-gum paraissent sortis des Aventures de Rabbi Jacob, sans oublier la prolifération de têtes de cochons, jusqu’à la parodie porcine du veau d’or. Quant aux dialogues revus par Agathe Mélinand, que l’on a souvent vue collaborer avec Laurent Pelly, et aux chorégraphies de Philippe Giraudeau, ils donnent un rythme attendu à un spectacle aux effets comiques qui ne le sont pas moins. En Barinkay, alias le Baron Tsigane, Jean-Pierre Furlan n’économise pas son énergie. Eleonore Marguerre allume la flamme passionnée de Sáffi, quand Marie-Ange Todorovitch dessine une Czipra piquante et d’une solide homogénéité. Loïc Félix et Melody Louledjian forment en Ottokar et Arsena un juvénile couple d’amoureux. Jeannette Fischer démontre son savoir-faire dans le numéro de Mirabella, aux côtés du Carnero façon ridicule animateur télé campé par Daniel  Djambazian. Christophoros Stamboglis ayant dû être hospitalisé en urgence, le rôle de Zsupán se trouve dédoublé entre un acteur assurant les dialogues en français et une partie chantée en allemand par Wolfgang Bankl. Préparés par Alan Woodbridge et Roberto Balistreri, les chœurs sont emmenés par la bien sage direction de Stefan Blunier, même dans les marches militaires hongroises où l’on se croirait un bref instant chez Berlioz.
 
Par Gilles Charlassier
 
Le Baron tsigane, Grand Théâtre de Genève, jusqu’au 6 janvier 2018

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