9 avril 2012
Une Passion Royale

Ce qui est merveilleux dans les lieux chargés d histoire, c’ est d’imaginer comment ils pouvaient bien vivre des siècles avant notre passage. Le film « Les adieux à la reine » ( voir article) vient de ressusciter sur grand écran Versailles où, en ce week-end pascal, il était question d’une autre résurrection , celle de Jésus avec « la Passion selon Saint Matthieu » donnée dans la Chapelle Royale. Point de trône ni de Louis XIV ce samedi soir mais un public très versaillais, venu en nombre pour écouter un ensemble, le Collegium Cartesium et une distribution 100 % allemande, jouant sur des instruments d’époque, viole de gambe et autre » haut bois d’amour ».  Avec un répertoire s’étendant de Monterverdi à Brahms, c’est avec une rigueur inspirée que le chef, Peter Neumann et son orchestre ont interprété avec le choeur de chambre de Cologne,  ce qui est considéré comme le sommet de l’ oeuvre du compositeur allemand. S’appuyant sur le récit de Matthieu dans le nouveau testament, beaucoup plus développé que celui de Jean, le libretiste et poète Picander a écrit 28 scènes auxquelles Bach a ajouté douze chorals harmonisés et, c’est là toute la nouveauté et modernité à l’époque , chantés par un double coeur. Ainsi, la foule est elle parfaitement bien rendue , l’un des choeurs s’interrogeant pendant que l’autre se lamente, exprimant tantôt rage » lâches, traitres, arrêtez! que brille que gronde , qu’éclate et frappe la foudre! » , tantôt plainte  » quand sonnera notre heure, ne nous délaisse pas! Console ceux qui pleurent, adoucis leur trépas! »

Ressentir ou comprendre? 

Pendant près de trois heures les note s’élèvent comme ce sublime solo de violoncelle baroque qui accompagne l’ aria chanté par la basse Dominik Wôrner- fantastique Jésus, implorant la fin de son supplice « viens, douce croix, Jésus, laisse moi t’aider Lorsque ma souffrance me sera trop lourde Tu m’aideras à la porter; »  Car, si la partition de Bach- d’une difficulté le laissant bien insatisfait des musiciens de son époque-est un nectar à écouter-yeux clos, pendant les ariosos-à mi chemin entre airs et récitatif ,  les larmes y montant pour le choeur final  « christ bien aimé nos larmes coulent », suivre sur le livret le récit de cette Passion-nom qui qualifie les souffrances endurées par le Christ de le Cène à la Résurrection- est tout autant intéressant afin d’en comprendre la progression, et d’en apprécier  l’écriture pour qui ne serait pas bilingue allemand… « Pare-toi mon coeur pour lui; tu vas être le sépulcre ou Jésus dort et repose, car c’est en toi désormais, c ‘est en toi qu’il veut faire sa demeure; Monde, adieu, descends en moi, ô Jésus descends en moi! »..  Voilà en tous cas un moment artistique et religieux rare  qui, contrairement à l’usage dans les églises bénéficia ici d’un entracte et ne se  joue plus, comme à l’époque de Bach dans le cadre d’un office qui durait ainsi plus de cinq heures!  De quoi en tous cas, » communier »-croyant ou pas- comme il se doit pour un jour Saint…

 

 Par Laetitia Monsacré

 

A la Chapelle Royale de Versailles– Dimanche 8 avril- 17 heures

A suivre du 8 juin au 13 juillet,  le Triomphe de Haendel, concerts avec entre autre Emmanuel Haim, Jordi Savall,, Marc Minkowski ou l’ensemble Matheus, musique sacrée dont Le Messie et récitals de Cécilia Bartoli.


Magie des lumières quand le soir descend…

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