15 décembre 2011
Une Lady Chostakovienne

Noël et ses fééries… un petit tour par la capitale espagnole avec Le Teatro Real, rouvert il y a bientôt quinze ans dans un bâtiment flambant neuf, et dirigé depuis un an par Gerard Mortier – tout droit arrivé de l’Opéra de Paris – qui programme en ce mois de décembre Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch. Le chef-d’œuvre du compositeur russe décrit le destin tragique de Katerina Ismailova, trompant son mari avec Sergueï, qui l’abandonnera quand ils seront envoyés aux travaux forcés en Sibérie, après la découverte du cadavre de l’époux légitime. Sur ce drame poignant décrivant la violence exercée par les hommes sur les femmes, Chostakovitch a écrit une musique puissante, qui préfigure certaines de ses symphonies ultérieures. L’ampleur de l’orchestre a d’ailleurs exigé une extension de la fosse, supprimant les deux premières rangées du parterre, tandis que deux fanfares prennent place sur le proscénium dans les tutti les plus imposants. Mais c’est la crudité avec laquelle est suggérée la relation sexuelle entre Katerina et Boris qui a sans doute le plus choqué le puritanisme soviétique à la création. Le régisseur autrichien Martin Kušej a eu la géniale idée de projeter des lumières stroboscopiques pendant cette scène, dans un rythme qui reproduit le tempo saccadé de la musique – et le halètement du coït. Applaudi déjà lors des représentations à Bastille en 2009, Hartmut Haenchen fait ressortir les richesses de la partition avec un captivant sens du détail. Titulaire du rôle dans cette production depuis les premières représentations à Amsterdam en 2006, Eva-Maria Westbroek bouleverse littéralement dans son incarnation de l’héroïne, et reçoit un triomphe mérité. « Fantastico », « increible » ai-je entendu en sortant parmi le public de la salle presque pleine. Assurément, et si l’on peut former un vœu en cette période toute désignée, c’est le retour prochain à Paris de ce spectacle essentiel.

GMC

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