28 décembre 2012
Une certaine idée du rire

Anne Roumanoff en marron. La parka, les cheveux, on cherche du rouge, on est inquiet. Est-ce bien elle face à vous dans ce café du 16ème arrondissement? Et puis ce sourire si particulier qui lui remonte jusqu’ aux oreilles, dévoilant avec générosité toute sa gencive supérieure- oui c est bien elle; c’ est bien cette humoriste qui depuis vingt-cinq ans a su construire une carrière sans à-coup, ni faute, remplir les salles et devenir la bonne copine de tant de Français qui la retrouvent sur Europe 1 le matin du lundi au mercredi, en partant travailler. A moins que ce ne soit le week-end avec sa bande toujours sur Europe1 ou le dimanche dans le JDD (Journal du dimanche) où elle a succédé à Michèle Stouvenot. Quant à ses soirées, elles sont sur la scène du Palais Royal  dans Rou(ge)manoff jusqu’ au 6 janvier (voir article), là, bien sûr tout de rouge vêtue, « une couleur qui me donne de l’ énergie » dit-elle. Habitant désormais sur la butte de Passy après celle de Montmartre, histoire de rester en hauteur, elle s’ offre deux œufs durs-sans mayonnaise « après avoir fait n’ importe quoi pendant les fêtes ». Et répond aux questions autant qu ‘elle vous en pose, définitivement en dialogue avec les autres qu’ ils soient 300 dans une salle ou seuls, face à elle.

 

Ce Rou(ge)manoff, vous l’avez testé sur qui, votre famille?

Non, jamais. Je joue mes nouveaux sketches très vite sur scène. On voit tout de suite en public si ça marche. C’ est la meilleure façon de savoir. Les proches ne sont jamais assez neutres, que ce soit en positif ou en négatif. Le rire n’est pas analytique mais émotionnel alors rien de mieux que de tester sur une salle.  Ma fille de dix ans, c’est plutôt le dimanche quand je prépare Europe 1 que c’est elle qui vient me demander plein de trucs…

Comment faites-vous pour être le soir sur scène et tôt le matin à la radio?

Je fais une sieste dans la journée-une grosse! Je suis capable de rester toute la journée au lit avec mon ordinateur. En fait, je suis du soir et du matin, et pour écrire, le mieux c’ est dans la nuit, vers une heure. Mais la radio, à huit heures c’est fini ; je ne me lève jamais qu’ à sept heures moins le quart par rapport à ceux qui sont debout depuis quatre heures du matin pour assurer les journaux… Maintenant, c’est vrai que le mercredi, c’est un peu difficile!

Les idées viennent comment pour toutes ces chroniques?

Je prends des notes tout le temps, je regarde internet pour m’imprégner de l’actualité. Je ne travaille jamais trop à l’avance, quitte à me faire parfois peur… Il arrive que le vendredi pour le JDD,  je n’ arrive à rien, que rien ne m’inspire. C’est vraiment le soir ou le matin que j’ écris le mieux. Mes filles le savent et sont assez indépendantes, comme le seraient des enfants d’ hôtesse de l’ air qui ont l’habitude que leur mère soit en voyage. C’est leur normalité.

Connaissez- vous encore le stress ou le trac après quatre mois sur scène?

Il y a toujours le stress du métier, d’attendre une réponse, trouver le truc qui marche. Quant à la lassitude, non, j’ai vraiment plaisir à être en scène et puis comme je suis l’ actualité, il y a chaque soir des choses qui changent. Avec le public que je fais participer aussi, les réactions des gens qui montent sur scène ne sont jamais les mêmes. La vie de tous les jours est beaucoup plus lassante…

On parle souvent de vous comme si vous aviez découvert le théâtre en sortant de Science po mais vous aviez commencé bien avant…

Oui, depuis l’ âge de 12 ans je voulais faire ça; je me souviens que le déclic à été d’entendre Sylvie Joly jouer plein de personnages à la radio. Ensuite, mes parents qui n étaient pas trop conformistes m’ont donné jusqu’à 25 ans pour « échouer »! A mes 22 ans, il y a eu la Classe et ça a commencé à marcher mais, moi qui étais au départ partie pour du théâtre traditionnel , j’ai souffert de toutes ces portes fermées. Des refus, des rejets, des échecs comme le Conservatoire ou des compagnies qui ne me demandaient pas. J’ai vécu ça très durement à l’ époque.

Surtout que sortant de Sciences Po, vous deviez voir vos petits camarades de promo eux commencer à entrer dans la vie active!

J’ étais dans la même promo que Jean-François Copé mais je ne l’ai jamais vu! Vous savez on est 900 chaque année à Sciences Po! Beigbeger, Pujadas, je les ai vus mais, ils ne m’ont jamais vue! J’ai en fait gardé très peu d’amis de l’époque.

Ruquier, Drucker, vous avez le sentiment de leur devoir beaucoup?

Oui bien sûr, mais les vraies personnes qui m’ont aidée sont mon mari producteur et Jacques Metges, mon attaché de presse. Avec les autres, ça a  surtout été un échange; quand j ai commencé avec Ruquier, il y a 20 ans, j’ étais plus connue que lui! Avec Michel Drucker, il y a eu un premier essai dans Vivement Dimanche qui n’a pas marché et puis après,  l’idée du bistro a été la bonne.

Comment avez-vous vécu l’ échec cette rentrée de votre émission Roumanoff et les garçons?

Ça a été très violent mais, après tout j’ avais accepté. J’ai eu la naïveté de croire la chaîne qui m’ avait dit ne pas attacher d’ importance à l’ audience… Mais cette violence dans les attaques, les critiques, ça a été sanglant d’autant qu’ on était arrivés très confiants car France 2 avait adoré le pilote..Au final, on s’ en est pris plein la gueule, de la vraie chair à canon. Je n’ avais pas intégré que les enjeux étaient aussi énormes ni la dureté de la compétition à cette heure-là. On avait signé pour trois mois, ça a duré trois semaines! En plus, ça a cannibalisé mon spectacle, tout le monde ne parlait que de cela. Heureusement, la salle est pleine, mais beaucoup de critiques de spectacles ne sont même pas venues pour voir ce qui est finalement l’ essence même de mon métier: être sur une scène. En conclusion, si j’avais su, j’ aurais pas venu…

Il vous reste quand même pas mal de contributions?

J’aime bien écrire dans le JDD ;  j’apprécie beaucoup de ne pas « avoir » à faire rire du fait que ce soit dans un journal. Le samedi, l’émission sur Europe est un travail en équipe, ça me change et c’ est très agréable.

Que vous manque- t’il aujourd’ hui?

Le cinéma. J’en ai déjà fait mais ça n’a pas marché. Là,  je suis en train d’écrire un scénario. C’ est une comédie mais, je ne dirai rien de plus. La mise en scène? On verra, pourquoi pas un binôme. Je viens de jouer dans une série de 15 épisodes pour la chaîne Comédie qui s’ appelle C’est la crise.

Comment vous voyez-vous dans dix ans?

J’aimerais avoir écrit une pièce de théâtre et un film. A force d’écrire, il y une efficacité comique qui arrive alors oui, un film ou une pièce, d’autant que j’aime bien diriger les comédiens. Pour la scène, il y a tellement d’ humoristes, on verra. J’ aimerais garder du plaisir, de la fraicheur… Cela dit la scène m’est assez indispensable.

Les œufs durs sont finis. « Venez chez moi, me dit- elle pour me donner les jolis livres qu’ elles a écrits pour les enfants, publiés aux Editions Atlas, s’ inspirant des fables de La Fontaine avec un CD  et les superbes dessins très actuels de Grégoire Mabire. Son portable sonne alors; là voilà en prise avec la vie quotidienne, loin du rouge et du plaisir d’ être en scène. Vivement ce soir se dit-on alors pour elle…

 

Par Laetitia Monsacré

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