25 mars 2019
Une Ariane presque réaliste au Théâtre des Champs Elysées

Richard Strauss est à l’honneur en ce mois de mars, et plus particulièrement son Ariane à Naxos, avec pas moins de trois productions sur le sol francophone. Après Toulouse et Lausanne, c’est le Théâtre des Champs Elysées qui met à l’affiche ce bijou de méditation alerte sur l’illusion théâtrale et la pureté esthétique, dans une mise en scène de Katie Mitchell, venue d’Aix-en-Provence, où elle a été étrennée l’été dernier. Résumons le livret de Hofmmansthal : un riche mécène veut donner une soirée lyrique, avant un feu d’artifice, pour éblouir ses invités. Un acte tragique et un intermède comique. Les susceptibilités des uns, compositeur et divas inclus, la légèreté des autres – la troupe italienne de commedia dell’arte –, animent la tension d’un Prologue qui plonge un regard amusé et satirique dans les coulisses du monde de l’opéra. Loin de disjoindre cette première partie de la seconde, consacrée aux mésaventures d’Ariane qui donnent son titre à l’ouvrage, le metteur en scène britannique ne cesse de cultiver les allers-retours entre les deux, quitte à donner une impression d’aplatissement réaliste à l’ensemble, prenant certes le texte quasiment à la lettre.
Côté musique, c’est un peu inégal. Camilla Nylund affirme une authentique sensibilité dans le rôle-titre, avec une santé vocale qui contraste avec la fatigue du Bacchus de Roberto Saccà. Olga Pudova réserve une Zerbinetta vive et spirituelle, tandis que Kate Lindsey séduit par son incarnation nuancée du Compositeur, qui compense un format sonore parfois modeste. Parmi les nombreux personnages qui peuplent l’intrigue, on retiendra le Maître de musique au vestiaire transgenre de Marcel Beekman et le solide Maître de musique de Jean-Sébastien Bou. Dans la fosse, Jérémie Rohrer met en valeur les pupitres de l’Orchestre de chambre de Paris pour faire vivre les couleurs de la partition, même si une certaine raideur affleure dans certains tutti, ce qui n’empêche pas les applaudissements dans une salle pourtant loin d’être comble – encore un moyen de vérifier que le festival d’Aix n’est parfois qu’un arrondissement extra-muros de Paris en villégiature estivale : les mélomanes en zibeline ne se sont pas massivement mobilisés pour ce qui n’est à leurs agendas qu’une reprise.

GL

Ariane à Naxos, Richard Strauss, Théâtre des Champs Elysées, mars 2019

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