5 novembre 2013
Golden Aïda


Cela faisait quarante-cinq ans qu’Aïda, un des opéras les plus populaires de Verdi,  n’avait pas été donné à l’Opéra de Paris.  Sous prétexte de l’éclat des fameuses trompettes alors que le drame est plutôt intimiste, il ne restait pour la rivalité amoureuse entre Amnéris, la fille du pharaon, et la princesse éthiopienne, que les gigantesques scènes de Bercy, quand ce n’est pas celle du Stade de France. Alors, sans doute attendait-on un peu trop de ce retour… Mais, mis à part quelques huées à l’arrivée des chars, et des spectateurs à la sortie grommelant « c’est une honte », le public a fait meilleur accueil que la critique à cette nouvelle production  du prolifique Olivier Py – il est vrai que les plus turbulents se manifestent surtout à la première, voire à la générale, et n’avaient cure d’un samedi du week-end de la Toussaint.
On a reproché à cette mise en scène  d’être peu inspirée, voire paresseuse. Si ce n’est peut-être pas la meilleure qu’il ait donnée, l’essentiel de cette histoire au fort parfum colonial est là : nul hasard ainsi à voir un danseur grimé façon Banania avec le visage peint en noir, malmené par deux militaires désœuvrés – tandis que les pancartes xénophobes brandies par les Egyptiens la fin de la première partie font un peu sous-Brecht.

Mélange des époques

L’horreur de la guerre n’est pas tue, avec ces cadavres qui s’amoncellent sous la pompe politique représentée par l’immense décor cuivré de Pierre-André Weitz – prévoir verres fumés pour prévenir les éblouissements quand celui se met en rotation… Même si les costumes mélangent un peu les époques, on reconnaît aisément la lutte de l’Italie contre l’empire austro-hongrois, bien qu’en 1871, année où fut créée Aïda, l’unité italienne étant acquise, Verdi n’avait plus à faire passer des messages nationalistes dans ses opéras comme au temps de sa jeunesse. Enfin pour ce qui est des nus masculins, excepté les cadavres, il faudra se contenter de torses – eh oui l’Autriche des années 1870 était encore très pudibonde, Freud n’étant pas encore passé par là, tandis que les femmes arborent sur scène de longues robes noires à corset.
En revanche, musicalement parlant, cette Aïda ne se montre pas tout à fait à la hauteur d’une affiche pourtant prestigieuse. Certes, il y a le Radamès nuancé de Marcelo Alvarez – même si celui-ci se montre parfois au bord du souffle – ou encore l’Amnéris impitoyable  de Luciana d’Intino. A côté, l’Aïda d’Oskana Dyka, au timbre métallique, fait un peu pâle figure – dans le second cas, Lucrecia Garcia a certainement davantage le caractère du rôle, à en juger son Odabella dans Attila à Vienne l’été dernier. Reste la baguette de Philippe Jordan, d’une subtilité toujours admirable, même si l’italianità et son mordant lui restent décidément une chose étrangère. Un sans faute en revanche pour les puissants chœurs, préparés par Patrick Marie Aubert. Une honnête soirée en fin de compte, quoiqu’un peu en-deçà des moyens déployés.
GC

Aïda à l’Opéra Bastille jusqu’au 16 novembre

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