28 novembre 2011
Un père à prendre

Quoi de plus séduisant qu’un homme en mal de paternité ? Surtout  s’il a  un regard ténébreux et un joli sourire. Peu d’écrivains ont su traiter ce « nouveau mal du siècle », avec autant de grâce qu’Alain Teulié. Ancien secrétaire particulier de Jean Marais, ce journaliste pour la presse écrite et la télévision a su affirmer sa singularité au fil du temps et des romans.
La fragilité s’allie ici avec la  pudeur et l’intelligence. « Pensée d’un père pour la fille qu’il n’a pas eue » est un texte assez inclassable et surprenant, écrit d’une traite comme un jaillissement poétique :
« Si je t’avais conçue tu m’aurais construit.
Si j’étais construit, je t’aurais conçue. »
Par de simples dialogues, des scènes courtes ou des mouvements d’humeur, l’auteur  livre ses fantasmes, ses angoisses, ses obsessions, ses réflexions, sous forme d’aphorismes teintés
d’humour :«  Pour donner la vie, on doit aimer la vie concrète. On ne peut pas fabriquer Pinocchio sans avoir quelques notions de menuiserie. »
A chaque page, il réécrit et réinvente sa vie, sa paternité ratée. La fille absente prend corps et le lecteur se laisse emporter par l’émotion. Blonde, brune, adolescente, mariée, journaliste, serveuse, quelle visage aurait-elle eu ? Alain Teulié s’interroge, explore toutes les situations possibles, anticipe ses réactions, ses intuitions, ses doutes, les mots qu’il ne pourra jamais lui dire. Et ils sonnent juste. Car sa plume évite les poncifs et les lourdeurs. Toujours légère entre rire et gravité, elle effleure le réel par touches impressionnistes, par fragments. Une esthétique que l’on pourrait comparer à celle de du poète et romancier Louis Calaferte, notamment dans: »la mécanique des femmes »
Ce petit livre, d’apparence modeste, nous donne aussi une leçon de littérature. Parler de soi sans tomber dans l’autofiction égotiste, ou le pathos, relève du défi stylistique.  L’art de la confession est celui du mentir vrai, du virtuel et de l’imaginaire. C’est aussi le seul refuge des âmes blessées.

Par Anouschka D’Anna

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