25 mars 2013
Un Mozart tout en élégance

Composé peu après son mariage avec Constance Weber, L’Enlèvement au sérail peut être vu à bien des égards comme un prototype de La Flûte Enchantée. Et l’on ne peut que se réjouir du retour sur la scène nantaise de ce bijou de drôlerie et de sensibilité toute mozartienne, beaucoup plus rare que l’ultime chef-d’œuvre du divin Wolfgang, et confié ici aux soins d’Alfredo Arias. Aux facilités des gags, le célèbre metteur en scène argentin a préféré une parodie esthétisante de l’exotisme de pacotille à l’œuvre dans l’opéra – on entend à plusieurs reprise des « turqueries », témoignages musicaux de l’attaque de Vienne par les Ottomans en 1683. Ainsi Belmonte vogue-t-il sur un bateau au milieu de vagues de carton-pâte avant d’échouer dans le palais du pacha Selim, une salle d’apparat renversée où les fenêtres tapissent sol et plafond, comme une métaphore du désir de liberté.

Un plateau vocal de qualité

Dans ce spectacle à la direction d’acteurs parfois conventionnelle, l’on retiendra la caractérisation du personnage d’Osmin – Jan Stava remarquable de sadisme – ainsi que le jeu de Markus Merz, Selim tourmenté, plus extraverti que noble cependant. Mais c’est surtout le quatuor vocal qui fait la valeur de ces représentations nantaises – dont la pertinence par rapport à la distribution montpelliéraine de février dernier ne laisse aucun doute (la coproduction a d’abord été présentée à Montpellier et elle sera ensuite donnée à Liège). Elena Gorshunova laisse s’épanouir en Konstanze une sensibilité qui annonce Pamina alors que la Blonde de Beate Ritter ravit par son babillage aussi aérien que plein de vie. Côté messieurs, François Piolino ne se contente pas d’un Pedrillo de comédie et en fait le pendant idéal de l’élégant Belmonte de Frédéric Antoun, qui se confirme comme l’un des meilleurs ténors français de la nouvelle génération. N’oublions pas par ailleurs l’énergie des chœurs préparés par Sandrine Abello.
Maîtrisant l’irrésistible élan de la partition, Sascha Goetzel fait sonner l’Orchestre national des Pays de la Loire avec une cohérence et une saveur réjouissantes. D’aucuns feront la moue face à des modulations de tempo attendues, mais qui ont le mérite de ne pas sacrifier le plateau vocal à une fureur rythmique éventée depuis des années. Il manque sans doute à l’ensemble un soupçon de folie que brime la trop grande sagesse de la scénographie. L’on ne boudera pas pour autant son plaisir face à un spectacle qui a trouvé dans le Théâtre Graslin ses dimensions idéales, nouvelle preuve de la pertinence des choix de programmation de la maison nantaise, que l’on avait déjà pu saluer au fil de cette saison avec Les Deux Veuves et La Rose Blanche.

GC

L’Enlèvement au sérail, jusqu’au 24 mars à Nantes et du 3 au 7 avril à Angers

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