10 janvier 2012

No Exit. Voilà le titre que Philip Gourevitch a choisi pour son enquête de quinze pages menée six mois durant sur Nicolas Sarkozy, avec l’idée sous-jacente de savoir si ce Président-là pourra nous sortir de la crise de l’euro… Titre traduit en France par « Sans issue » contrairement aux lecteurs du New Yorker qui n’ont pas manqué d’y voir une référence à Sartre et à son « Huis Clos ». Il faut dire qu’avec un père qui traduisait Jean-Jacques Rousseau, Philip Gourevitch a été à bonne école sans compter qu’il a été le rédacteur en chef de The Paris Review, revue prestigieuse autour des livres s’il en est. Aucun média français, à l’exception de Libération via le blog de Fabrice Rousselot, son correspondant aux Etats-Unis, n’a repris ce long article, qui est pourtant une excellente enquête conduite par cet écrivain journaliste qui cumula les prix après son livre sur le génocide rwandais. Et a brossé un portrait du Président  Sarkozy sans complaisance, avec ce recul proche de la clairvoyance que peut avoir un journaliste étranger. L’occasion d’un bilan en bonne et due forme de cinq années de présidence…

Président Bling Bling

Déjà l’illustration, une photo en noir et blanc de Bettina Rheims, montrant Sarkozy avec un gros cigare devant les ors de la République –  le ton est donné. Nicolas Sarkozy aime l’argent, sans complexe -une première en France. Et qui a payé. Autre particularité- a contrario de ses prédécesseurs- il ne prétend pas avoir de culture. Ne dit-il pas devant un tableau d’Yves Klein, « Ça doit coûter des millions? » ajoutant« Est-ce plus cher qu’un Léger, moins qu’un Matisse? ». Et Gourevitch de souligner son absence de manières comme avec David Cameron ou le Pape, pianotant pendant l’audience sur son BlackBerry. Oui, mais voilà, ce « roi républicain » n’est plus souverain dans cette France désormais inféodée à l’Europe comme l’ont confirmé au journaliste Marine Le Pen et Jacques Attali, avec des conclusions pour chacun d’eux, bien différentes. Puis, saluant sa réforme sur les retraites comme sa plus grande victoire « domestique », le journaliste raconte comment Sarkozy est vu depuis le début comme un Napoléon en puissance, entre farce et tragédie. Son plus grand tort ? Avoir promis des choses impossibles à tenir. De quoi se retrouver aujourd’hui attaqué sur sa personne même comme le souligne Pascal Bruckner. Sa taille, ses origines. Et Gourevitch de s’amuser à remonter à celles-ci, grâce à la biographie écrite par son père, Pal Sarkozy, un « obsédé sexuel », et de conclure que « c’est la somme de ces humiliations pendant l’enfance qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. « 

Rêves de grandeur envolés

Puis l’article raconte l’ascension de celui qui fut d’abord Maire de Neuilly puis Ministre du budget, avec un leitmotiv « ne jamais attendre ». Pour cela, il sera un forcené de travail, s’exclamant auprès de Yasmina Reza, « j’aurai un Palais à Paris, un château à Rambouillet, un fort à Brégançon, voilà ce qui va arriver ». Retour sur la retraite monastique annoncée qui se transforme en croisière sur un yatch et un dîner au Fouquet’s. Tout cela pour Cécilia, lui qui « est un homme comme un autre »; l’humiliation de Kaddhafi que l’on fait oublier avec Carla Bruni à Eurodisney –« le pire endroit imaginable pour se montrer lorsque l’on est déjà vu comme peu cultivé ». Philip Gourevitch détaille alors cinq ans en Sarkozie, du « Casse toi pauv con », en passant par les Roms avec ses relents de « déportation »; l’affaire Karachi avec ce passage amusant où tous les journalistes français suivent sur leurs portables les derniers rebondissements à Paris pendant qu’il fait son discours sur le Ferry vers Staten Island, pour le 150ème anniversaire de la Statue de la Liberté; l’affaire Bettancourt- aucune mention en revanche à celle de la tentative de nomination de son fils- mais également ses inimitiés rappelant avec force de détails celle avec BHL et s’amusant au passage du fait que  Carla a dans le passé volé le mari de sa fille -détails sans doute appréciés  par les lecteurs américains…

Mais c’est à  l’économie, à nouveau,  que Gourevitch s’intéresse pour finir, interviewant Matthieu Pigasse et Alain Minc, lequel  souligne que si « Sarkozy peut ne pas gagner, les socialistes peuvent très bien s’arranger pour perdre ». Un court paragraphe sur François Hollande, rappelant son surnom » Mr Normal » puis un mot sur l’outsider Villepin -aucun sur François Bayrou qui appréciera- et Gourevitch de conclure avec Franz-Olivier Giesbert sur cette déclaration que Nicolas Sarkozy lui aurait faite il y a quatre ans et demi: « Je suis le salaud, mais voilà qui est fait, le salaud est devenu Président de la République ».

 

Par Laetitia Monsacré

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