2 février 2015
Un Gounod inédit à Versailles

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La réputation du Centre de musique française romantique du Palazetto Bru Zane est désormais bien établie, et au vu du travail de redécouverte réalisé depuis sa fondation au milieu des années 2000, elle n’est aucunement usurpée. Si l’intérêt de certaines exhumations peut se révéler essentiellement archéologique, il n’en est rien du concert à l’Opéra royal de ce jeudi 29 janvier 2015, résolument un des moments forts de l’hiver musical parisien. Résumé par la postérité avec Faust et Roméo et Juliette, éventuellement Mireille, Gounod a pourtant laissé une production lyrique abondante, quoique inégale de fortune comme, sans doute, de qualité.

Une belle redécouverte

Créé à l’Opéra Comique en 1877, l’ouvrage, inspiré d’un roman de Vigny retraçant le climat d’intrigues et de complots à la fin du règne de Louis XIII, témoigne du goût historique dont s’est montré friand l’opéra français du dix-neuvième siècle, et passé de mode depuis. Pourtant la partition, tombée dans l’oubli depuis plus de cent trente ans,  reprend certes les attendus du genre, mais recèle également de véritables pépites, où mélodie et drame se mêlent admirablement, à l’image de l’air de Marie de Gonzague, « Nuit resplendissante et silencieuse », où l’on sent la leçon de Berlioz – dans la finesse de l’orchestration autant que dans la parenté textuelle. Les duos entre le héros et sa maîtresse affirment une remarquable puissance expressive, de même que nombre d’ensembles. Le deuxième acte, joué intégralement, ne manque pas d’allonger la première partie, bien que les divertissements sachent montrer autant d’inspiration que de métier, tandis que la seconde, nettement plus ramassée, produit un effet théâtral plus sensible.

La splendeur retrouvée du chant français 

Etape finale d’une tournée conjointe à une gravure discographique, la soirée versaillaise, où se pressait le Tout-Paris mélomane, a fait briller le chant français, avec une diction d’une évidence souvent trop rare. Si les ans ont fait évoluer sa voix, Véronique Gens n’a rien perdu de sa finesse et de son instinct musicaux, et sa Marie en livre un admirable exemple. Avec son timbre qui s’est épaissi depuis ses débuts, Charles Castronovo imprime à Cinq Mars un éclat authentiquement héroïque, quand Tassis Christoyannis, en Conseiller de Thou, se confirme comme l’un des meilleurs barytons du répertoire français, où il fait valoir une articulation aussi impeccable que le legato de la ligne et la présence vocale. Le reste du plateau n’a nullement à pâlir, avec le solide Père Joseph d’Andrew Foster-Williams, l’autorité d’André Heyboer en Fontrailles, ou les charmantes courtisanes dévolues à Marie Lenormand et Norma Nahoun. Il n’est pas jusqu’à l’Orchestre de la radio bavaroise de Munich et de son chœur, sous la baguette d’Ulf Schirmer, qui ne participent à l’excellence de cette recréation. On attend l’enregistrement avec impatience, à défaut de pouvoir raisonnablement espérer une production scénique.

Par Gilles Charlassier

Cinq-Mars, Opéra de Versailles, 29 janvier 2015

 

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