10 mai 2012

Je fais partie de ces écrivains qui aiment se déplacer en province pour la promotion de leur roman. Depuis la parution d’Au pays des kangourous le 19 janvier 2012 (éditions Don Quichotte), j’ai fréquenté pas moins de quinze villes. Il m’en reste à ce jour vingt-deux qui m’amèneront au final sous le sapin de Noël. D’un côté la banlieue et ses librairies accueillantes comme une journée du mois de mars, où je suis reparti avec une rose offerte par Folies d’Encre aux Lilas (93) et le souvenir étrange d’une comédienne aux cheveux roux qui lisait des extraits du livre et ressemblait étrangement à Lola, la grand-mère de Simon, dans mon dernier roman. Ou encore à Etampes, au centre Culturel Leclerc où j’ai été quasi accueilli comme une star de cinéma avec des affiches plus grandes que moi, dont une dépassait les 50 mètres de hauteur. Une voiture avec chauffeur est venue me chercher (heureusement, je n’ai pas de permis) et j’ai dû signer une quarantaine de livres. Ce jour-là, un homme s’est présenté avant d’acheter un livre, il s’appelait comme moi Gilles Paris et m’a même présenté sa carte d’identité. Le lendemain, retour à la réalité, dans un Espace Culturel Leclerc à Clichy-Sous-Bois, où personne n’est venu, en dehors d’un courant d’air glacial et d’une dame chargée de DVD qui m’a juste dit « bon courage » avant de filer. Sur l’autre versant, les salons en province. Ah la douce préparation des départs en colonies de vacances d’écrivains qui se croisent sur les quais de gare à Paris et s’embrassent comme une grande famille. Ecrivains assistés, comme moi, qui se laissent conduire du quai de gare d’une ville en province à l’hôtel pour déposer bagage, où sur le stand direct, afin de ne pas en perdre une miette. J’aime ce contact avec tous ces lecteurs inconnus pour la plupart dont certains se souviennent à ma grande joie de mon précédent roman. Après tout, c’est eux qui décident de tout ou presque pour nous, non ? Et c’est peut-être une rare occasion de les rencontrer. Pourquoi s’en priver ? Certes, ils vous demandent parfois où sont les toilettes et pourquoi Yann Queffelec n’est pas resté plus longtemps. Mais ils aiment pour la plupart discuter et se laissent souvent convaincre. Je rencontre des lecteurs qui me suivent sur Facebook et qui soudain ne sont plus virtuels, Laetitia ou Vincenzo le week-end dernier à l’été du livre à Metz. Je plaisante avec mes voisins de table, parfois des écrivains que j’aime comme Janine Boissard ou Brigitte Kernel, où des régionaux souvent loquaces et très sympathiques. La crainte ? D’être assis à côté d’une vedette, dont les lecteurs n’hésiteront pas à s’appuyer sur vos piles de livres, éloignant tout dialogue possible. Jusqu’à ce jour, j’y ai échappé… A Autun, en Bourgogne, un garçon de dix ans m’avait demandé si mes livres étaient pour lui dans cette belle ville de Bourgogne. Il semblait très intéressé par Autobiographie d’une Courgette. Je lui ai répondu que oui, probablement, mais que c’était à ses parents de décider pour lui. Il est revenu avec un monsieur qu’il tirait par la manche et qui avait un feutre de chapeau, et un léger bouc au menton. Le « papa » m’a souri et a acheté le livre. Il est revenu plus tard, seul, et m’a demandé si j’avais vécu dans les maisons d’accueil. Il n’était pas le père. Un tuteur qui veillait sur un petit garçon de dix ans qui avait fait le tour des stands et ne voulait acheter que mon livre qui lui rappelait sa petite enfance. Où une dame qui revient le lendemain et qui a déjà lu votre livre, et du coup se laisserait bien tenter par le tout dernier en grand format. Le dimanche matin, la colonie d’écrivains revient au stand avec son bagage. Le départ s’échelonne selon les écrivains, mais beaucoup d’entre eux prennent quand même le dernier train. Chacun veut en profiter jusqu’au dernier souffle du stylo-bille. Je plaisante avec les libraires et leurs assistants qui courent avec des sacs encaisser les livres vendus. On se prend en photo, tout cela finit sur Facebook et dans la mémoire du téléphone portable. Il y a peut-être un jeu de séduction avec le potentiel lecteur quand il se présente face à vous et attrape un de vos livres pour disparaître derrière la quatrième de couverture. Juste un bonjour de circonstance auquel le potentiel lecteur ne répond pas toujours. Et puis la conversation s’amorce, sur une question, sur un regard. Parfois me sujets leur font froncer les sourcils. La mort, l’absence, la dépression, les maisons d’accueils, le délitement familial, tout ça n’est pas bien gai mon garçon. Oui, je sais. Mais grâce au regard de mes petits narrateurs de neuf ans, tout peut changer. J’essaye d’en sourire, de distraire, je n’ai pas de message. Je suis comme ces enfants, je ne porte pas de jugement sur le monde qui m’entoure. Je l’observe comme un spectateur. La dame ou le monsieur me tendent alors le livre et me sourient. C’est pour Jacqueline ou pour Pierre. Parfois je dois ajouter un bon anniversaire et je dessine même des bougies avec ma dédicace. Et n’allez pas me demander pourquoi, ce que je préfère dessiner sous mon nom, juste après la ville et la date, c’est une vache. Et puis toute cette animation, après tout, c’est une fête. Une belle fête d’écrivains.

Par Gilles Paris

Articles similaires