29 janvier 2012
Un bourgeois gentilhomme un peu trop bonhomme

Tout s’annonçait bien pourtant. Une belle affiche – François Morel dans le rôle-titre, Catherine Hiegel à la mise en scène – mais voilà, ce Bourgeois Gentilhomme déçoit. Bien sûr, Morel est parfait pour le rôle. Avec sa puissance comique, sa générosité, sa naïveté et son bagout authentique, il a tout pour faire un Monsieur Jourdain convainquant. Celui qu’il propose est juste plaisant… au risque d’être lassant. Le personnage de Molière se réduit-il à ce bourgeois imbécile, sans aspérité ni relief, qui n’a d’autres attraits qu’une énergie burlesque ? Car tout au long du spectacle, le comédien ne quitte pas ce registre. Monsieur Jourdain est ici un ersatz du monsieur Morel des Deschiens. Si bien que ce bourgeois gentilhomme ne s’élève jamais au-dessus de la farce, et reste au degré zéro de la satire sociale. Molière se joue à merveille des travers de l’âme humaine. Il y avait tant à faire sur le thème du travestissement de soi.
C’est Morel qui a sollicité Catherine Hiegel pour la mise en scène. L’ancienne sociétaire de la Comédie-Française n’en est pas à son coup d’essai. Voilà plus de trente ans qu’elle joue, monte et met en scène des pièces de Molière. Elle a accepté ce projet à la condition de revenir à la comédie-ballet, d’associer Molière à Lully, comme ils le firent eux-mêmes lorsque Louis XIV leur commanda la pièce. A cet égard, le spectacle est réussi. D’un point de vue formel, tout fonctionne à merveille : les décors sont beaux, les costumes aussi ;  chanteurs, musiciens et comédiens jouent avec talent et plaisir. Hiegel propose un travail fouillé, basé sur une relecture exigeante du texte de Molière. Et il est probable que la version proposée ici soit très proche de celle d’origine, et le résultat est à la hauteur des moyens financiers mis dans le spectacle. C’est propre, précis, rigoureux, travaillé dans les moindres détails. Voilà d’ailleurs ce qui manque à ce spectacle : ce je-ne-sais-quoi d’inabouti, cet espace infime laissé vacant et qui donne au théâtre son supplément d’âme.

JC
Le bourgeois gentilhomme, de Molière, mis en scène par Catherine Hiegel, avec François Morel, actuellement au théâtre de la Porte Saint-Martin.

Articles similaires