20 janvier 2017
Trump à l’opéra

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Alors qu’à Washington, dans une ville qui a voté à 91% pour Hillary Clinton, Donald Trump est devenu le 45 ème président des Etats Unis, aux cotés de sa first lady Melania vêtue d’un joli tailleur manteau bleu de Ralph Lauren (on pense bien sûr à Jackie Kennedy), par une curieuse coïncidence, Nantes met à l’affiche un opéra pour tous publics de David Chaillou, Little Nemo, dont le héros rappelle un certain magnat à houppette blonde qui a sollicité avec succès le suffrage des électeurs… Nemo est un avide spéculateur new-yorkais qui exproprie les habitants des immeubles populaires qu’il rachète pour édifier un empire de luxe, avec tours, bureaux et boutiques – et l’on voit dans le prologue des figurants coiffés de buildings emblématiques de la skyline de Manhattan.  Si dans les intentions du projet, soutenu dès le début avec enthousiasme par Jean-Paul Davois, le directeur de l’Angers Nantes Opéra, l’actualité américaine n’était pas de mise, la réalité a fini par rattraper la fiction au cours des répétitions, qui ont commencé alors que tombait le résultat du scrutin.

Hélas, il est peu probable que le président élu suive l’exemple du héros de Windsor McCay. Alors que la soif de pouvoir a fini par ne plus lui laisser le temps de dormir, c’est en tombant sur la maison de son enfance, au milieu du quartier qu’il condamnait à la destruction, au moment où sa mère vient de mourir, que Nemo va retrouver le petit garçon qu’il fut, et retrouver Sumberland, le pays des rêves, aidé par le Môme Bonbon. Conduit auprès du roi Morphée, il devra retrouver la clef des songes, pour épouser la princesse, convoitées également par le calculateur Flip, la face Hyde du Nemo affairiste aux allures de Joker. Lorsque le Nemo adulte se réveillera, c’est sa camarade de jeux Stella, troublante de ressemblance avec la princesse imaginaire, qui viendra à sa rencontre et l’inviter à retrouver le chemin de l’amour, après une nuit riche d’images et d’enseignements.

Nemo et la clef des songes

Avec la complicité de Bruno de Lavenère, qui a dessiné décors et costumes, Olivier Balazuc, également auteur du livret avec Arnaud Delalande, joue habilement des codes du conte et de clins d’oeil multiples, de Batman aux Contes d’Hoffmann d’Offenbach, en passant par Tim Burton,  pour toucher un public large, petits et grands, dès l’école primaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un vaste programme d’action culturelle a été élaboré en direction des scolaires, avec plus de cent cinquante classes participantes dans la région nantaise et angevine. Peut-être n’est-il pas toujours facile d’obtenir une attention sans relâche de la part de si jeunes spectateurs, mais l’invention rythmique et poétique de la musique de David Chaillou, soutenue par Philippe Nahon et son ensemble Ars Nova, séduit efficacement par son éclectisme, entre la mécanique des appétits boursicoteurs et le lyrisme éthéré de la princesse incarnée par Hadhoum Tunc, sans oublier  la fraîcheur du Nemo enfant, confié à Chloé Briot, contrastant avec l’adulte Richard Rittelmann, également Flip, ou encore le numéro de Florian Cafiero en Chambellan qui invite les enfants à participer au carnaval des nations de Slumberland.

On ne saurait dire assez les vertus de l’art et de la culture, auxquelles le nouveau locataire de la Maison Blanche ne se révèle malheureusement guère sensible : plutôt que de vendre leurs haines frelatées, les populistes seraient bien avisés de prendre une cure d’imaginaire. Quelqu’un dans les cuisines de la White House aurait-il l’idée de mettre ça au régime de Trump ?

 
Par Gilles Charlassier

Little Nemo, à Nantes jusqu’au 21 janvier 2017 et à  Angers du 21 au 24 mars 2017

 

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