20 janvier 2012
Touché, mais pas coulé

Inespéré ! Malgré une crise qui empoisonne le théâtre français depuis plusieurs mois, la cérémonie des Molières aura bien lieu cette année. C’est une information exclusive du Pariser : la soirée se déroulera finalement comme prévu au Théâtre des Folies Bergères, à nouveau présentée par Laurent Laffite, le 1er avril prochain, et ce n’est pas un poisson… La Présidente de l’Académie des Molières nous l’a confirmé hier.
Fatiguée par les querelles et les déchirements, mais bien décidée à ne pas laisser le rideau baissé, Myriam Feune de Colombi lance aujourd’hui un vibrant appel pour que vivent  les Molières, « l’appel du 20 janvier »,  pour parvenir à retrouver un début d’unité  de toute la profession autour de la fête du théâtre.
Dans une lettre, adressée aux 1800 membres des Molières, la Présidente écrit : « Nous proposons un rassemblement des forces que vous représentez, afin que vos Molières 2012 se déroulent dans l’harmonie, la joie et la fierté de donner au public une image belle et digne de notre profession, une image forte et sereine de l’union et de la grandeur du théâtre français ».
La Présidente de l’Académie s’adresse à tous les théâtres. A tous leurs directeurs, y compris -ou surtout aux quelques 20 dirigents-  qui ont annoncé leur décision en novembre de ne pas participer à l’édition 2012, au risque de sonner le glas d’une institution menacée. Myriam de Colombi soutenue par tout son Conseil d’Administration voudrait ainsi que les directeurs de théâtre « dissidents » rejoignent la cérémonie du 1er avril, à commencer par Pierre Lescure, l’ex Président des Molières et directeur du théâtre de Marigny, Bernard Murat, directeur du théâtre Édouard-VII, Jean-Pierre Bigard de la Comédie de Paris et du Palais des glaces, Jean-Claude Camus, directeur du théâtre Saint-Martin.

Trop élististe

L’élégante directrice du théâtre Montparnasse plaide pour la réconciliation, afin de sauver durablement l’évènement mis en scène il y a 26 ans par Georges Cravenne, le créateur des Césars : « Nous sommes conscients que les Molières doivent chaque année évoluer, se moderniser, dit-t-elle aux professionnels des tréteaux. Nous comptons sur vous et sur votre soutien pour nous aider à faire progresser les Molières et à les pérenniser, et nous vous invitons de façon pressante à y participer ! » En clair, ne gâchons pas une si belle ambition :« Ce qui fait la force des Molières, c’est d’être à ce jour le seul organisme professionnel présentant chaque année le panorama de la création théâtrale en France, en réunissant en son sein théâtre public et théâtre privé dans un œcuménisme qui se veut apolitique ».
Sera-t-elle suivie par des rebelles ? Pas sûr. Les dissidents restent  très critiques « à l’égard d’un événement censé promouvoir le théâtre, mais qui perd peu à peu de son attractivité auprès des téléspectateurs et du public, qui dessert presque la cause qu’il est censé servir ». Jean-Claude Camus, propriétaire du Théâtre de la Madeleine s’est plaint de voir « les grandes pièces à succès toujours exclues du palmarès… ». C’est pourtant un bel effort qui avait été fait, l’an dernier, avec la retransmission d’Un fil à la patte, mis en scène par Jérôme Deschamps pour la Comédie Française- à la fois intelligente et divertissante- et un palmarès saluant le talent de Joel Pommerat, extraordinaire auteur bien connu des spectateurs de l’Odéon et dont on verra la Cendrillon, bientôt sur Arte. Guillaume Gallienne, Christian Hecq et Catherine Hiegel  avait été également très justement récompensés.
L‘enjeu pour la cérémonie? La retransmission à la télévision.  L’unité des gens de théâtre est en effet un impératif, ne serait-ce pour une question de contenu pour France 2 qui doit diffuser la cérémonie. Rémy Pflimlin, le Président de France Télévisions, a reçu les protagonistes et proposé à tous les professionnels, publics et privés, de repenser la soirée : « L’important, assure France Télévisions, c’est de donner envie aux téléspectateurs d’aller au théâtre à travers un événement théâtral exceptionnel ».

Prendre en otage?

La directrice du théâtre Montparnasse ne ménage pas sa peine pour que les français puissent voir la soirée en direct sur la chaîne publique : « La télévision est une vitrine forte pour notre profession, un moyen de mettre en lumière le travail de nombreux créateurs, écrit Myriam de Colombi. Il serait très regrettable que la retransmission de notre cérémonie soit annulée ». Et pourquoi en effet serait-t-elle annulée cette captation, si la soirée a lieu aux Folies Bergères ? Ce serait d’autant plus dommage pour le public qui aime la scène : les recettes des théâtres privés viennent d’ailleurs d’augmenter en 2011, à la surprise générale.
« Les Molières appartiennent aux artistes. Personne n’a le droit de prendre en otage l’ensemble de la profession », s’irrite la Présidente des Molières. Avec l’ensemble du secteur public, les directeurs de théâtres privés qui n’ont pas souhaité se retirer de l’association « et dans l’espoir que les directeurs encore dissidents la rejoignent », Myriam de Colombi joue son va tout. Elle a le soutien de grandes figures du théâtre qui vont s’ adresser dans quelques jours au Ministre de la Culture. Le rideau se lève dans deux mois aux Folies bergères, alors il faut faire vite !

 

Par Ulysse Gosset

Articles similaires