30 novembre 2012
Tierno Monénembo/ Entre Giono et Senghor

Plus qu’une histoire vraie, c’est l’histoire même que nous fait revivre avec Le Terroriste noir,  le Guinéen Tierno Monénembo, prix Renaudot en 2008 avec son récit historique, Le Roi de Kahel.  Pour ce roman, son dixième, cet écrivain engagé sort  du Fouta-Djalon «  le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », pour nous parler de la campagne française sous l’occupation allemande. Un bel hommage à un tirailleur Guinéen, héros de la résistance vosgienne et surnommé par les allemands « le Terroriste noir ». Sous l’obole de Léopold Sédar Senghor, ce livre est une poétique réhabilitation pour ses « frères obscurs », que «  personne ne (…) nomme. »

L’ascension d’un héros « négrion »

Ce conteur, d’origine peul tout comme son héros, arrive en France dans les années 70  fuyant la tyrannie Guinéenne de Sékou Touré, et nous fait revivre l’histoire vraie de son personnage nommé Addi Bâ. Le lecteur va suivre avec fascination le parcours hors norme de ce héros de l’ombre, d’une chasse aux champignons en 1940 à son exécution trois ans plus tard, après  son arrivée cocasse dans un petit village des Vosges rebaptisé, Romincourt. Sa rapide renommée qui va le conduire à  entrer dans la résistance et prendre la tête du premier maquis en 1942, pour finalement devenir prisonnier des allemands.  Le 18 décembre 1943, Addi tombait au poteau.
Monénembo est un fin styliste usant d’ expressions poétiques et inventives. Relents de tragédie, mais de l’humour surtout ! C’est par les yeux de la petite Germaine Tergoreese, qu’est décrit ce soldat du 12ème régiment des tirailleurs sénégalais. Et ce, avec beaucoup d’auto-dérision. On ressent d’autant mieux la fascination qu’exerça « ce petit nègre », ce Don Juan qui faisait tomber toutes les femmes, et qui fait aussi tomber le lecteur.  La première partie du roman, sans doute la plus belle, nous plonge au cœur d’un monde de villageois, parlant un patois archaïsant. Le style rappelle  autant le conte de l’autre continent qu’une littérature de campagne à la Giono, mettant en scène des personnages typés et attachants.  L’auteur sait manier les tons avec une grande habilité, passant du rire, l’émotion vers le drame, sans transition. Une vraie réussite.

Par Elodie Terrassin

Le Terroriste noir de Tierno Monénembo Aux éditions du Seuil-17 euros

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