19 mars 2016
Tchaïkovski en double à Garnier

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On peut se faire l’avocat des standards de la modernité et reconstituer l’histoire. C’est ce (faux) grand écart que propose l’Opéra de Paris à Garnier en ce mois de mars avec à l’affiche le programme de la soirée de gala du 18 décembre 1892 qui avait vu, à Saint-Péterbourg, la création de Casse-Noisette après Iolanta. Si le ballet réglé par Petipa et Ivanov a rapidement connu la gloire, le dernier opus lyrique de Tchaïkovski ne sort que récemment du purgatoire : la production de Peter Sellars à laquelle nous avions assisté en 2012 à Madrid en témoigne.

Pour le moins, en confiant les clefs de la production à Dmitri Tchernakiov, on était assuré que l’on se contenterait pas d’une simple illustration : à défaut de connaître les raisons historiques d’un tel couplage, l’enfant terrible de la mise en scène russe a imaginé une mise en abyme de l’opéra dans le ballet, en faisant du premier un spectacle pour l’anniversaire de Marie, la jeune héroïne du second – qui, au passage, se rapproche plus du conte d’Hoffmann.

Virtuosité conceptuelle

Toute la virtuosité du concept se résume dans les saluts à la fin de Iolanta, où les solistes chanteurs s’effacent en coulisses pour laisser la place à leurs doubles danseurs. Tandis que l’histoire de la fille aveugle du roi René se confit dans un salon clos aux couleurs crème, le voyage onirique de Marie ne lésine pas sur les secours vidéographiques et acoustiques, à l’instar du tonitruant effondrement de la demeure bourgeoise avant la valse des flocons, ou encore les Playmobil géant du divertissement exotique où les solistes apparaissent comme des doubles de la dormeuse, avec la même robe jaune à fleurs.

Si avec sa voix généreuse et sensible, Sonya Yoncheva domine la distribution de Iolanta, le trio de chorégraphes pour Casse-Noisette ne cherche pas à effacer ses différences de style, entre les redondances épileptiques d’ Edouard Lock et le classicisme romantique des deux valses d’ensemble et des duos, réglés par Sidi Larb Cherkaoui : le pas de deux final met avant tout en valeur le geste élancé de Marion Barbeau, tandis que Stéphane Bullion se résume à un bon porteur. En somme, une nouvelle production où le savoir-faire l’emporte sur l’innovation.

GC

Iolanta/Casse-Noisette – Palais Garnier, jusqu’au 1er avril 2016

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