29 mai 2012

Le voyage avait déjà commencé dans la difficulté. Le petit chariot, acheté 9,99 euros dans un bazar où tout est made in China, après avoir déjà refusé de se replier,  avait cassé quelques mètres après sa première utilisation. Le sac lourd qui finit donc sur l’épaule, puis le TGV et après quarante minutes de bus, la maison. Un horrible petit pavillon où seul le soleil est généreux, Riviera oblige. Lézardée, défigurée, commercialisée, mais quand même là, avec ses palmiers et cette mer bleue qui miroite et dont les marchands de sable et de matelas qui la polluent n’ont pas réussi à privatiser chaque grain, à leur pauvre décharge. Le parisien lui était là,  se retrouvant donc à une dizaine de kilomètres de la Croisette au lieu des quelques annoncés, payant un ménage de fin de séjour pour « des feuilles sur la terrasse » dixit la propriétaire, une malheureuse « desperate housewife » que l’on pouvait imaginer un jour péter un câble comme dans le film « A perdre la raison ». C’est à dire liquider ses deux enfants qui dès potron-minet couraient au dessus de la chambre louée…Pour se rendre dans ce lieu où la famille vous semble être un aller simple vers un suicide à petit feu, le scooter s’était imposé vu la densité automobile ambiante. L’arnaque au coin de la rue, avec des loueurs prêts à tout, tout comme les hôteliers, la chambre près de la gare dans un hôtel que l’on nommerait de passe, atteignant les 230 euros au lieu de 60 habituels. Odeur de détergeant et bruit divers toute la nuit garantis. Un peu de glamour, voilà ce que le parisien était venu chercher, les tenues de soirées bien pliées dans un sac. Prendre de l’avance aussi avec cette idée stakhanoviste d’avaler de la pellicule au kilomètre. Car pour les soirées, l’évidence s’était bientôt imposée, terrible; la réalité avait un goût bien fade comparée à ces merveilles que son imagination débridée avait pu imaginer. Elles se ressemblaient toutes, la couleur des fleurs changeant, la musique aussi un peu, offrant nuitamment des heures de vacuité à des pauvres hères chargés de vendre leur films  toute la journée. Il arrivait que ceux ci sont carrément mauvais, projetés dans une petite salle en catimini dans l’espoir d’être acheté. Les fauteuils claquaient alors, avec ou sans les intéressés. C’était en tous cas l’occasion de voir à quoi ressemble un vraiment mauvais film histoire d’être reconnaissant ensuite;  les acteurs semblent y crier au secours tout du long ou de vous demander pardon de vous imposer une telle perte de temps. Alors, le soleil brillant de tous ses feux dehors, vous sortez, irrésistiblement de retour dans votre vie à vous, à moins que la pluie ne soit au rendez vous avec, dans les deux cas, des africains qui troquent ici les tours Eiffel pour vendre chapeaux en paille ou  parapluies-selon. Bientôt, la ville redevint normale, la foule s’évapore telle une nuée de mouches partie sur un autre tas « odorant »-Monaco et le Grand Prix, Roland Garros. Il est alors temps de reprendre ce train qui n’arrive pas, pour s’en aller loin de la Méditerranée, fatigué et triste que les songes soient toujours mieux que la réalité.

Par April Wheeler

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