16 août 2013
Sudiste, chapitre trois

L’Arlesienne, la femme la plus élégante du monde? A voir l’exposition Costumes de reines, sur les reines d’Arles -sorte de Miss France avant l’heure dans le Musée du Vieux Nîmes, difficile d’en douter…Quelle merveille que ces cotonnades, ces étoffes qui démontrent que si le talent de Christian Lacroix est immense, force de constater qu’il n’a rien inventé…Et que la fréquentation de ces tenues avait de quoi donner naissance à un grand couturier. Nîmes écrasée de soleil, il faut remonter de la gare l’avenue Feuchère tout juste refaite avec une idée miraculeuse : des chemins d’eau où l’on ne saurait résister à se déchausser. Une promenade aux jardins de la Fontaine, et ses deux monuments antiques- le Temple de Diane et la Tour Magne afin de chercher un peu de fraîcheur avant d’attaquer la Maison carrée,  temple le mieux conservé du monde romain qui, bâti sous le règne d’Auguste vient de se refaire une jeunesse face à son jeune pendant, le Carré des Arts  sorti il y a tout juste 20 ans de l’imagination du génial architecte devenu depuis sir, le britannique Norman Foster. Moving-mouvement mais également émouvant en anglais- est une des plus belles expositions actuelles qui soit, mêlant découvertes comme les fascinants totems de Hans Josephson, artiste suisse encore méconnu en France dialoguant avec les toiles méditatives de Matias Spescha ainsi que des valeurs sûres comme Umberto Boccioni- la sculpture présentée appartient à Norman Foster, Miquel Barcelo, Giacometti, Henri Moore, Ai Wei Wei, César ou encore Gerhard Richter.

Du mouvement, sur terre…

Le lieu tout d’abord, sublime carré de verre, tout en transparence avec de grandes portes, qui confirme que ce qui est bien pensé traverse les âges sans ciller; des salles lumineuses et des oeuvres choisies comme un musée imaginaire par l’architecte, amateur éclairé d’art contemporain, invité pour cet anniversaire à réaliser cet accrochage qui va d’une fascinante toile réalisée par une vraie araignée sur une idée de Tomas Saraceno, éclairée aux néons dans une chambre noire à une vidéo de Miguel Angel Rios montrant deux toupies qui s’attirent et se repoussent sur la Wallye chanté par Maria Callas, symbolisant le couple. Hommage aux déportés juifs avec Boltanski ou aux disparus de la junte argentine avec Jonathas de Andrade, la richesse des oeuvres choisies et prêtées est ici inédite-la Tate a même laissé sortir quelques toiles quasi abstraites de Turner associées à Mark Rothko; de quoi rendre bien des musées parisiens jaloux…D’autant que la terrasse du Musée offre une des meilleurs adresses de la ville pour déjeuner, avec une cuisine à la hauteur du service-impeccable, une vue superbe sur les toits de la ville et une brume rafraîchissante pour contrer la chaleur, le tout à des tarifs très doux ce qui change du restaurant Georges du Centre Pompidou…

…et dans les airs

Philippe Stark quitté à Marseille, le revoilà dans Nîmes à chaque coin de rue grâce à un petit crocodile, symbole de la ville qu’il a revisité et dont les pavés et autres bornes signalétiques s’ornent à l’envi comme aux abords des arènes qui, tout comme les rues avoisinantes ont été restaurées à grands frais. Ainsi pour retrouver un peu de vraie vie et de pittoresque, faut-il aller du côté d’ Arles et son quartier de la Roquette avec un joyau qui détonne de son habitat populaire, l’Hôtel Particulier, cinq étoiles tout de blanc vêtu-murs et jardin-à découvrir derrière une porte étroite et discrète. La ville cache en effet ses merveilles comme la librairie Actes Sud, bien assise sur sa petite place face au Rhône qui accueille sur ses rives également une petite merveille, le musée Reattu qui propose Nuage, exposition à vous faire léviter jusqu’au 31 octobre dans les hautes sphères. Une sélection rigoureuse et inspirée qui associe à travers 120 oeuvres une soixantaine d’artistes allant des Silver Clouds en film aluminiun d’Andy Warhol à une cacahuete épingée sur le mur de Marina Abramovic en passant par Man Ray, Jean Arp, Richard Deacon ou Weston pour les plus connus. Autant dire que l’on découvre également des oeuvres à la fois ludiques et stupéfiantes comme cet ADN de nuage imaginé par Charlotte Charbonnel-du lait, de l’encre de Chine , de l’alcool et de l’eau distillée, ou encore les fascinantes photographies en noir et blanc de Chema Madoz ou de Robert et Shana Parke Harrison. Une belle entrée en matière de Arles in black qui célèbre les rencontres de la photographie jusqu’au 22 septembre 2013 avec un hommage appuyé au noir et blanc, en déclin depuis les années 90, a fortiori avec le numérique.

Des photos, encore et encore

C’est le génial Michel Bouvet que nous adorons au Pariser qui a illustré cette année encore  l’affiche de ce grand rendez-vous des photographes avec une pléthore d’expositions-50 au total à travers la ville- ce qui donne cours à une difficulté de taille: choisir. Difficile en effet d’aller tout voir entre Giuseppe Penone et son Arte Povera à la Chapelle du Méjan, Lartigue et son histoire d’amour avec sa femme Bibi-début et fin ou encore les magnifiques clichés du chilien Sergio Larrain-entre la pauvreté des gamins des rues de Santiago et la solitude londonienne, à découvrir dans la rétrospective en première mondiale en l’ Eglise Sainte Anne. Autre grand photographe chilien, Alfredo Jaar propose lui une réflexion implacable et saisissante sur le photojournalisme dans une autre église- celle bien nommée ici des Frères-prêcheurs, avec ces unes du Time qui, lors du conflit rwandais en 1994 n’ ont jamais été consacrées une seule fois à ce drame qui fit pourtant 800 000 morts en trois mois. Dans un cube noir, un court film revient également sur le destin de cette photographie qui gagna le célèbre Pulitzer Price, un vautour près d’un enfant en train de mourir au Soudan et conduisit son auteur Kevin Carter à se suicider peu après. Il faudrait en tout cas des jours pour tout voir-le célèbre photographe de mode Guy Bourdin à l’Espace Van Gogh, Miguel Angel Rojas à l’Atelier de la Chaudronnerie ou encore le couple Becher qui se spécialisa dans la photographie de bâtiments industriels à travers l’Europe à la Galerie Arena. Une certitude: l’offre culturelle dans ce sud où certains ne vont chercher que le soleil est tout autant incandescente que l’astre qui l’inonde de ses rayons généreux. De quoi frôler même l’insolation tant l’offre est multiple et généreuse et avoir envie avant d’attaquer la rentrée de se retirer loin de tout, pour reposer ses yeux et son esprit ultra sollicité. Bref, prendre des vacances dans la Creuse ou le Perche et allongée dans l’herbe, ne plus rien faire…

Par Laetitia Monsacré

César et Norman, deux monuments…Moving c’est jusqu’au 15 septembre au Carré d’Art de Nimes

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