8 août 2013
Sudiste, chapitre deux

Outre le soleil qui a résolument décidé de briller en cet été 2013, il y a de quoi être particulièrement « assommé » par l’offre culturelle qui règne dans le sud de la France. Descendre la N7 ne promet pas seulement la mer au bout; ainsi pour les amateurs d’opéra, une première halte s’impose à Orange, et son théâtre Antique- 8 000 places, une acoustique ahurissante, une ambiance décontractée. Après en juillet, Wagner et un très swinguant Vaisseau fantôme dirigé avec de magnifiques silences par le chef Mikko Franck et mis en valeur économiquement mais avec une belle efficacité par la scénographe Emannuelle Favre où l’on salua particulièrement la parfaite Senta de la danoise Ann Petersen qui faisait ici ses débuts aux Chorégies, août sera verdien.

Aix, la bourgeoise

Le compositeur italien est en effet traditionnellement ici chez lui – a fortiori pour cette 42 ème édition qui marque le bicentenaire de sa naissance avec un opéra méconnu, Le bal Masqué que France 2 retransmettra en direct le mardi 6 à 21 heures 45 . Car si vous n’avez pas eu la chance de venir poser votre fessier sur les gradins des arènes de Philippe Auguste -coussin impératif et couverture en cas de mistral- la télévision publique a été particulièrement heureuse dans sa programmation avec pour Arte, les deux poids lourds de cette édition du festival d’Aix en Provence, Rigoletto dans la belle et généreuse mise en scène de Robert Carsen et l’Elektra de Patrice Chéreau qui a résolument fait l’événement cette année. Et si l’ambiance était aux petits fours et champagne du côté de la cour de l’Archevêché, le Domaine de Saint Jean offrait lui panier pique-nique et voiturette pour une expérience 100 % bio dans les bois afin de découvrir The House taken over, la création mondiale de Vasco Mendonça au son des cigales. Lesquelles pouvaient paraître plus harmonieuses que la musique imaginée pour cet opéra de chambre de ce jeune compositeur portugais. S’inspirant d’une nouvelle de l’écrivain Cortazar, La maison occupée,  on pouvait y suivre Rosa et Hector, un frère et une soeur vivant en autarcie dans leur maison de famille jusqu’à la quitter définitivement; une partition pour baryton et mezzo-soprano avec treize instrumentistes dans la fosse, d’une durée d’une heure, ce qui fut une bonne surprise pour certains…

Marseille et son diamant noir

Quant à Elektra, grâce à un bouche-à-oreille dithyrambique rendant impossible d’avoir en dernière minute une place pour le Grand Théâtre, le meilleur moyen de la voir était encore d’aller sur l’esplanade du Fort Saint Jean à Marseille qui s’offre une nouvelle vie grâce au Mucem-appelé aussi J4- auquel il est désormais rattaché. Car, à une trentaine de kilomètres d’Aix la bourgeoise, petite Paris du Sud avec ses boutiques et son absence de places de parking (on y prend une prune aussi vite), Marseille, capitale européenne de la Culture apprivoise depuis juin, avec près de six mois de retard mais avec un bonheur certain, ce magnifique monolithique noir créé par Rudy Riccioti, face à la mer et offrant avec sa mantille en métal une ombre bienheureuse pour qui a crapahuté pour s’y rendre sous le soleil torride du vieux port. Le lieu, le bâtiment, l’ensemble est absolument magnifique, offrant des bassins à ses pieds que de jeunes plongeurs marseillais ont déjà adoptés. Quant aux galeries, elles sont résolument orientées vers les cultures méditerranéennes avec enfin des commentaires qui ne donnent pas le bon rôle aux seuls vainqueurs … Le lieu est toutefois plus visité par des touristes prêts à payer une bouteille d’eau 4 euros 50 et se restaurer sur le toit terrasse de la cuisine de Gérald Passédat avec une vue imprenable sur la grande bleue que par les Marseillais qui semblent bien loin de l’effervescence culturelle que l’on nous vend à longueur de magazines…

De l’utopie…

Autre lieu de culture et sans doute plus démocratique, la Friche accueille dans le quartier de la Belle de Mai  le célèbre photographe JR, adepte du street art -un art gratuit et visible par tous alors que la cote de l’artiste, à l’image de Keith Haring – atteint des sommets- pour une installation dans 14 lieux de collage de ses grands formats que les collectionneurs s’arrachent. Certaines sont visibles depuis la  Tour Panorama qui accueille par ailleurs en ses étages plusieurs expositions dont Des images comme des Oiseaux ( jusqu’au 29 septembre) regroupant 600 photographies issues de la collection du Centre national des arts plastiques. Au final une sélection originale présentée dans des vitrines tapissant le sol associant Cartier Bresson à John Coplans ou Larry Clark et Christian Boltanski; à découvrir aussi Slave City, la cité des esclaves, une démonstration édifiante d’une ville où l’on travaillerait 14 heures par jour afin d’atteindre un chiffre d’affaire maximum -une critique décapante et cynique du capitalisme par le néerlandais Joep Van Lieshout qui signe également The Butcher, univers utopique fruit de son atelier hyper créatif à découvrir jusqu’au 31 décembre.

… à la réalité

Un univers rêvé et imaginé entre art et design qui peut devenir réalité lorsque l’on voit dans le typique quartier du 6 ème arrondissement l’hôtel Mama shelter, espace ô combien ludique et inspiré que le prolifique Philippe Stark a ouvert dans un grand bâtiment moderne; des chambres blanches qui semblent en apesanteur au-dessus d’un restaurant réfectoire avec chaises d’école, bouées de natation au-dessus du bar et jeu d’échecs géant dans un bassin d’eau -un cocon réjouissant dont on peine à s’échapper pour affronter la ville fourmillante où l’on est  au contact de son prochain comme rarement- tout le monde se parle, se regarde à moins de se réfugier dans l’Hôtel Intercontinental qui, en lieu et place de l’Hôtel-Dieu est un véritable ghetto glaçant et glacé, malgré sa proximité immédiate avec le quartier du Panier, très populaire et rendu célèbre par la série Plus belle la vie. Un bain dans la Méditerranée sur la petite plage de l’Anse rouge -un bon quart d’heure en voiture et une assiette de sardines grillées au soleil couchant plus tard, vous risquez même de la voir radieuse, cette vie, à l’image de cette cité HLM que le Corbusier imagina non loin de là, tandis que les oeuvres d’art comme le pouce de César ornent ici les carrefours giratoires. Marseille, ville de tous les paradoxes, ne sera jamais une ville musée -la chose est heureuse…

Par Laetitia Monsacré

Rigoletto vu par Robert Carsen dans le cirque de la vie jusqu’à sa chute…

 

 


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