5 juillet 2015
Soirs de colère

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« Ouie, ouie, la nouille, ça me chatouille ». L’homme est nu, il court avec une couverture de survie dans un cercle de sable noir, arrosé par un jet d’eau. Des européens sont agenouillés dans le désert le couteau sous la gorge, filmés par ce qui pourraient être des talibans. Shakespeare et Mozart « prêtent » l’argument de leurs oeuvres, Le roi Lear et l’Enlevement au sérail respectivement donnés à Avignon et Aix en Provence, à Olivier Py et Martin Kusek. Deux metteurs en scène qui n’en sont plus tant, sous couvert de modernité, ils s’emparent du texte, du livret; le modifient, l’allongent, l’interrompent, pour en faire leur version qui n’est jamais « au service » mais l’occasion, au contraire, de satisfaire leur ego qui apparait dans tout son ridicule et sa vacuité face à un public, victime laissée hagarde, prise au piège de ces relectures vaines et, accessoirement de son siège.

Que dirait Mozart s’il revenait aujourd’hui parmi nous? Bernard Foucroulle, le directeur du festival d’Aix en Provence pose la question. Olivier Py le fait également à sa façon avec ce roi déchu imaginé par Shakespeare en 1603. Dans les deux cas, ils semblent leur donner la parole pour immédiatement la leur reprendre, comme lorsque dans la Cour de l’Achevêché, les notes de Mozart doivent s’interrompre, le chef d’orchestre Jeremy Rhorer patienter la baguette à la main le temps qu’en anglais-sic pour cet opéra en allemand- Blonde explique à son ravisseur qu’en occident, on respecte les femmes. Et ainsi de verser dans l’anecdotique, la leçon politique à quatre sous qui se veut pertinente en ces temps d’islamisme galopant. Et tans pis pour la légèreté de la musique mozartienne, de ses airs où l’on chante son amour et rien d’autre, le noir est mis, les otages finissent exécutés dans un final qui exprime pourtant dans chacune de ses notes, la victoire de la lumière sur l’obscurantisme.

Du côté de la Cour d’honneur du Palais des Papes, Shakespeare n’est pas mieux traité; sa langue est totalement niée, réécrite dans cette version qui ne se dit même pas « d’après », faite de comptines indigentes, de dialogues insipides hurlés dans un show où la sexualité est omniprésente et où la créativité du directeur tout puissant du festival trouve bien douloureusement ses limites pour les spectateurs présents ce soir de première. L’occasion triste de voir que « Le roi est nu » est lui, de toutes les époques…

LM

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