6 avril 2012
Institut Bernard Magrez / Shanghaï à l’heure bordelaise

Bien sûr quand il y a une grève des contrôleurs aériens ou que les TGV sont complets, Bordeaux semble bien loin de Paris…Elle l’est encore plus de la Chine, même si historiquement, on a tendance à l’oublier,  la ville fut un grand port de commerce, tournée vers l’Orient avant de devenir la capitale du vin-autrement plus honorable que la traite des esclaves…C’est d’ailleurs grâce aux vignes que l’Institut Bernard Magrez existe, sis dans l’ancienne propriété d’imprimeurs-un joli hôtel particulier XVIIIème, en plein centre ville. Institut, car contrairement à une fondation qui flatte l’égo des mécènes et leur permet de défiscaliser élégamment, ce propriètaire de 38 crus bordelais dont trois Grands Crus-le célèbre Pape Clément en Graves, le château La Tour Carnet (demeure qui a appartenu à Montaigne) en Haut-Médoc et le château Fombrauge à Saint Emilion, a souhaité,  à l’image de la Villa Médicis à Rome, accueillir de jeunes artistes à résidence. Six mois logés, remunérés et jouissant d’ un atelier mis à disposition plus des rencontres avec de grands artistes que cet espace dédié à l’art contemporain ne manque pas d’attirer.

Sculptures, photographies et bougies

Ainsi en est-il pour cette belle exposition où l’on découvre le travail d’artistes essentiellement chinois qui, à l’exception de Ai Wei Wei porté par le buzz et actuellement exposé au Jeu de Paume (voir article), Chen Zen, objet d’une rétrospective au Musée Guimet en 2010 ou Zao Wou-Ki, sont inconnus du grand public. L’occasion donc de découvrir une sculpture d’un majestueux éléphant en peaux de buffles réalisé par Huang Yong Ping,  artiste s’inspirant du dadaïsme, taoïsme et philosophie zen-rien que ça…Zhang Huan, artiste reconnu pour son art de la performance signe lui, « Memory Door », magnifique porte ancienne sculptée sur laquelle est appliquée une sérigraphie représentant Mao de dos.  La veuve de Chen Zen, également à demeure, a veillé à l’accrochage d’une série de chaises accueillant des pagodes fabriquées à l’aide de bougies tandis qu’une sculpture posthume, structure métallique monumentale en aluminium et  néons, « Back to fullness, Face to  Emptiness »accueille le visiteur après une allée de buis aux formes généreuses. La photographie est elle aussi à l’honneur-la collection permanente en accueille d’ailleurs plusieurs à l’étage, notamment de Peter Lindberg- avec des clichés d’artistes chinois mais également  des grands formats signés par le jeune et déjà célèbre artiste français JR et ses installations inspirées et savoureuses en plein centre ville de Shangaï. Warhol, Soulages, Matisse, Michaux, la sélection est sans faute, réalisée par le directeur de l’Institut, Ashok Adicéam, d’origine indienne et qui est passé par la fondation François Pinault à Venise. La cohabition art moderne-architecture classique fonctionne également à merveille, confirmant que l’art est bien universel et pour reprendre le mot d’Antoine de Gaulbert, directeur de la Maison Rouge à Paris, qu’il est entre autre « ce qui peut rendre l’argent intelligent ».

Par Laetitia Monsacré

Institut Bernard Magrez, 5 rue Labottière- Bordeaux, du 7 avril au 22 juillet 2012

 

Mélange des styles avec un lustre XVIIème et Obama vu par Yan Pei-Ming à côté de Memory Door de Zhang Huan

Le « Crâne de la terre » de la seule femme artiste de l’exposition, Shen Yuan (également femme de l’artiste chinois qui signe l’éléphant et les deux sculptures qui ornent l’entrée de l’hôtel particulier)

 

 

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