7 décembre 2011
Shame & The city

Steve McQueen n’est pas celui que vous croyez.  Ce jeune réalisateur britannique black, auteur d’un premier film, « Hunger », caméra d’or à Cannes en 2008, n’a strictement rien à voir avec le sublime acteur de « The Hunter ». Le héros de son film « Shame » (en salle cette semaine), Brandon, n’est pas non plus celui que l’on pourrait croire. Vraiment pas. Trentenaire soigné, propre sur lui, bien sous tout rapport, il vit à New-York, travaille beaucoup. Mais l’envers du décor est tout autre. Brandon , joué par Michael Fassbender, est maladivement addict au sexe.

Quand il ne regarde pas des pornos sur Internet, il se masturbe compulsivement dans les toilettes de son bureau ou saute des putes dans des hôtels. Se décharger est une obsession constante, une souffrance permanente. Car Brandon est seul à en crever. Seul avec cette honte qui le ronge. Cette sale réalité. Alors pour oublier, il baise violemment des inconnues, sans qu’il ne soit question de plaisir. De sa violence contenue, de ces pulsions, il croit chaque fois pouvoir se délester. Mais les petites morts répétées ne le soulagent jamais. Chaque fois, il s’enfonce un peu plus. Dans le corps des autres et dans son propre abîme. Vertigineux.

Et quand sa sœur, Sissy – géniale Carey Mulligan – border-line, vient squatter chez lui, croyant vouloir l’aider, ce sont deux solitudes qui cohabitent. Deux fêlés qui ne se rendent pas service. Pire, cette présence, par la force des choses, confronte un peu plus Brandon à sa dépendance. Steve McQueen signe là un film glauque et splendide où se côtoient franche tristesse et beauté cafardeuse. Aussi trash que gracieux.

 

New-York, ville impossible

Michael Fassbender, révélé chez Tarantino  dans « Inglorious Bastards », prête son corps brut et dense à ce héros dont c’est le principal outil. Un bloc de virilité bouleversant tant on devine les fêlures qu’il cache. Et McQueen a la délicatesse de ne pas revenir sur les traumatismes archaïques de ce grand enfant-là. Une phrase, seulement, à la fin du film, prononcée par Sissy : « Ce n’est pas nous qui sommes mauvais, mais là d’où l’on vient ». C’est suffisant.

Personnage à part entière, New-York est ici excessive, électrique, ville de tous les possibles. Au point justement, que plus rien ne l’est. Comme si cette trop grande liberté n’engendrait que le désarroi. À l’image de cette scène, bouleversante, dans laquelle Sissy, qui chante dans un bar, interprète « New-York New-York » habillée de sequins, coiffée comme une princesse, les larmes au bord des yeux. Le chant de l’espoir avec des sanglots dans la voix. McQueen prouve avec ce film très esthétique son sens du cadre et sa maîtrise de la lumière.  Et l’emploi judicieux et souvent décalé qu’il fait de la musique en font d’ores et déjà un grand cinéaste, à ne pas manquer.

Par Sarah Gandillot

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