14 avril 2013
Sauver Haïti des sauveurs

La Pitié dangereuse. Le titre du livre de Stephan Zweig pourrait bien s’appliquer à ces milliards de dollars qui furent promis au lendemain du terrible séisme en Haïti comme le démontre ce très beau documentaire de Raoul Peck, réalisateur et ancien ministre de la culture du pays. Sous la forme d’une correspondance entre une femme et un homme, se dessine le drame d’une île où en 2010, soixante quinze secondes de tremblement de terre tuèrent 230 000 personnes, en blessèrent 300 000 et laissèrent 1,5 millions de sans-abris. Plus 24 millions de m3 de gravats à évacuer (à comparer au million du World Trade center), les canaux bouchés, Haïti, grande « ville » aux 10 millions d’habitants est dévastée. Le monde entier alors se mobilise et chaque pays promet de mettre au pot avec à la clé la création d’une commission, la CIRVH, censée redistribuer 5 milliards de dollars sur dix-huit mois et réorganiser l’ensemble du pays- une première dans l’histoire. Une commission, co-présidée par Bill Clinton qui va choisir de tout gérer elle-même au mépris des autorités haïtiennes avec un esprit d’ingérence bien coutumier aux Américains. Car « la campagne de guerre contre la misère et la pauvreté » n’est pas de la pure philanthropie. Et personne ne veut investir dans les gravats à évacuer-un coût d’un milliard de dollars mais au contraire construire des habitations même provisoires et contre toute logique comme sur ce terre-plein à 18 km de la ville , sans eau, ni électricité ou WC. Ou un hôpital à 400 mètres d’un déjà existant. « Ils nous ont imposé leur volonté car c’est eux qui payaient » souligne Jean Max Bellerive, le Premier ministre haïtien qui revient sur les élections téléguidées car financées aux 2/3 quelques mois plus tard par les Etats-Unis, Haïti à moins de deux heures de vol de Miami étant une position stratégique à l’image de Cuba.  Le pays aura même droit au retour de son ancien dictateur, Jean-Claude Duvalier. Au final, » une catastrophe qui n’est plus l’événement lui-même mais sa gestion » explique Raoul Peck, avec cette terrible impression que l’aide internationale devient une sorte de dictateur et un pays qui continue à être un des plus pauvres de la planète.

AW

Assistance Mortelle de Raoul Peck diffusée sur Arte le mardi  16 avril à 20heures 50 et à retrouver une semaine sur Arte +7

 

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