24 août 2013
Sanxay, l’opéra à la campagne


Passionné d’opéra, Christophe Blugeon s’est rendu compte que sa région natale, le Poitou-Charentes, était la seule de métropole à ne pas avoir de théâtre lyrique permanent. Il l’a donc parcourue à la recherche d’un site qui pourrait en tenir lieu, et les ruines gallo-romaines de Sanxay se sont imposées comme l’endroit idéal pour faire venir l’opéra en milieu rural. C’est ainsi que, depuis 1999, les Soirées lyriques de Sanxay réunissent pour trois ou quatre représentations deux mille spectateurs, chaque soir, dans ce théâtre de verdure sous les étoiles – avec la rivière en contrebas, il ne faut oublier une bonne laine pour faire face à la fraîcheur nocturne marquée. Evidemment, le directeur artistique a dû sacrifier aux valeurs sûres pour initier un public souvent néophyte – ce qui vaut quelques remarques croquignolettes, à l’exemple de cette quinquagénaire, lunettes de soleil sur son dernier lifting à la nuit tombée, qui déplore une amplification sonore défaillante…

Puccini au clair de lune

Après avoir programmé Tosca et La Bohème, Christophe Blugeon a choisi de faire venir à Sanxay un autre grand succès de Puccini, Madame Butterfly, dans une mise en scène de Mario Pontiggia venue de Monte-Carlo. Rien que du très classique dans ce décor de panneaux japonisants, avec des éclairages enveloppant et évocateur – le duo d’amour au premier acte et l’attente de Cio-Cio San à la fin du deuxième irradient d’une poésie bleutée aussi magique que la pleine lune en fond de décor. On pourrait toutefois attendre un jeu d’acteurs parfois plus explicite : Goro pourrait ainsi joindre le mime à la parole quand il explique à Pinkerton que le père de sa fiancée s’est fait hara-kiri. Même si le réalisme à l’opéra prend toujours quelques libertés avec la réalité, on est ici dans un registre très cinématographique dans lequel on ne devrait pas craindre le premier degré, et l’expression franche des sentiments ne devrait pas se sentir humiliée par les lectures plus conceptuelles – et risquées vis-à-vis des non-connaisseurs.

La revanche des femmes

Car c’est d’émotion qu’il s’agit ici, et en cela Lianna Haroutounian s’y entend remarquablement. Sa confiance dans le retour de son mari que chante le célèbre «Un bel di, vedremo », au deuxième acte, ne laisse personne insensible, et sa Cio-Cio San reste noble jusqu’à la fin. L’excellence, elle la partage avec Elena Cassian, qui met en valeur la richesse du personnage de Suzuki par son mezzo aussi solide que nuancé. Une authentique incarnation lyrique avec laquelle la cantatrice moldave a foulé, à juste titre, les plus prestigieuses planches. Juvénile Pinkerton, Thiago Arancam est un fidèle de Sanxay, où il vient pour la quatrième fois. Son endurance indéniable tend cependant à obscurcir le timbre. Le Sharpless de Kosma Ranuer fait un consul plutôt bonhomme, Xin Wang, un Goro aussi obséquieux que vénal, Balint Szabo, un Bonze sonore, et Florian Sempey souligne l’inconsistance de Yamadori. Placé sous la baguette de Didier Lucchesi, l’orchestre du festival réalise un travail fort honnête, et Stefano Visconti, chef de chœur à l’Opéra de Monte-Carlo, confirme que les moyens d’une soirée lyrique de qualité ne sont pas confisqués par les grandes institutions internationales.
GC
Sanxay, Madame Butterfly, les 8, 10 et 12 août 2013 -infos

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