22 novembre 2011
Ritournelle de l’amour


Il y a ce pianiste virtuose -Stanislas Merhar- qui tend en vain l’oreille, cherchant à entendre, ailleurs, cette petite musique de l’amour qu’il se joue tout seul depuis si longtemps. Cette mélodie parfaite, il en est sûr, résonnerait dans sa tête le jour où son cœur battrait. Mais il a beau multiplier les aventures, aucune note ne lui parvient. Il y a cette jeune femme -Julie Depardieu, détonante et parfaite -qui « n’a pas fait l’amour depuis un an » et qui pour rendre service à son amie -Judith Godrèche, dont la palette d’émotions semble se décliner de A à B – couche dans le noir complet avec un inconnu, amoureux transi de cette même copine pour qui elle se fait passer. Il y a cette tout juste célibataire -Frédérique Bel jouant une fois encore une  idiote à s’y méprendre- qui passe son temps à allumer son voisin de palier – François Cluzet, parfait en cinquantenaire libidineux. Emmanuel Mouret à qui l’ont doit Changement d’adresse ou Un baiser s’il vous plaît, décline à nouveau son sujet favori, l’amour et les mécanismes du désir. Comme un patient sur le divan, le réalisateur répète à l’infini ce même sujet, tentant d’en comprendre toujours un peu plus les ficelles, les ruses et les ressorts. Et au fil des années, à mesure que son « analyse » cinématographique avance, Mouret progresse. Cette fois-ci, servi par un casting classieux, il choisit le film choral. Et son Art d’aimer s’apparente à un recueil de nouvelles. Tout y fait penser. L’intrigue chiadée, la densité des personnages, le suspens, chaque fois ménagé, cette voix off, narrative, et bien sûr, ce fameux art de la chute. Et cette qualité d’écriture, précisément, permet d’éviter que tout cela ne sombre dans l’anecdote. Car ici, comme toujours chez Mouret, rien n’est aussi léger qu’il n’y paraît. Sous couvert d’humour – impayable s’il en est – le cinéaste décrit avec justesse et lucidité des personnages vacillants, pas toujours très à l’aise avec leurs désirs et négociant sans cesse avec leurs névroses. Mouret mêle avec brio la fantaisie à la gravité. Sur un ton ludique, coloré, léger, il démontre à quel point l’amour est construction. Et que nos actes, pas toujours conscients, se révèlent bien souvent manqués. En ce sens, comme l’indique le titre de son film, c’est bien dans les pas d’Ovide que marche Mouret avec ce joli traité de l’amour.

Par Sarah Gandillot

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