25 janvier 2012
Richard III montre son coté obscur

 

La création suisse de Richard III, opéra de Giorgio Battistelli inspiré par la pièce éponyme de Shakespeare et mise en scène par Robert Carsen, s’annonçait comme l’un des grands évènements de ce mois de  janvier. Créé à Anvers en 2005, l’ouvrage connaît le privilège rare pour un opéra contemporain d’avoir été régulièrement repris. Le directeur du Grand-Théâtre de Genève, Tobias Richter, qui l’avait programmé à Düsseldorf, tenait à le présenter au public helvétique.

Un opéra sanglant

La légende funeste qui a auréolé le dernier des Plantagenêts a fourni à l’illustre dramaturge anglais la matière d’un drame puissant – le quatrième volet de sa première tétralogie historique – dont s’inspire le livret de Ian Burton. N’étant pas le favori dans l’ordre de succession, Richard III va éliminer, un à un, les obstacles à l’accession au trône. Mais pour s’assurer sa souveraineté, il va sombrer dans une spirale de meurtres qui l’engloutira à son tour, au profit de Richmond, couronné sous le nom d’Henry VII. A la différence de Macbeth, qui a besoin du soutien de sa femme pour franchir le pas de Caïn, Richard III trouve en lui-même les ressources criminelles pour assouvir ses ambitions.

La sombre clarté de la mise en scène

C’est ainsi que le personnage apparaît au centre d’une sombre arène chancelante – image, prévisible, du pouvoir comme rituel macabre. Les intentions de Robert Carsen se laissent en effet aisément deviner, avec un plateau recouvert de sable rouge, symbole de la sanguinaire inexorabilité du temps, qui a l’avantage de ne pas maculer la scène – on saura gré au metteur en scène canadien d’avoir évité les éclaboussures dont certaines scénographies se montrent friandes. Vous l’aurez compris, le meurtre, c’est le fruit du côté obscur de l’homme, la part de mal qui gît en lui, et donc la scène baigne dans une pénombre constante, censée être menaçante, mais en fin de compte lassante. Cette sombre clarté écarte au moins très rapidement toute possibilité de contresens, ce qui n’est pas à négliger pour une œuvre nouvelle, la musique contemporaine souffrant souvent d’une réputation d’élitisme pas toujours usurpée.

Tom Fox, star de la soirée

Pourtant, la partition de Battistelli reste sage, avec des rodomontades de cuivres qui sous-tendent les déflagrations des cordes pendant toute la première partie qui dépeint l’ascension du héros – presqu’une heure et demie. Le second acte, où le trône se met à vaciller, se montre moins fastidieux, avec des recherches chromatiques plus subtiles, jusqu’à un finale éthéré. L’écriture musicale passablement fruste permet en tous cas de mettre en avant Richard III, incarné avec panache par Tom Fox, lequel trouve un juste équilibre entre la laideur – morale et donc vocale – et l’expressivité dramatique, évitant de sombrer dans le grand-guignolesque. On ose espérer que l’accueil très favorable que reçoit le spectacle à l’issue de la soirée lui est largement redevable…

Par Gilles Moîné-Charrassier

 

au Grand-Théâtre de Genève jusqu’au 1er fevrier

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