10 juillet 2013
Reims, la musique en ballade

A chaque fin de saison depuis vingt-quatre ans, les Flâneries musicales disséminent pendant trois semaines la musique dans la ville de Reims, mêlant manifestations gratuites et payantes – mais à un tarif accessible sans commune mesure avec les prix des grandes salles parisiennes. Et cela jamais au détriment de la qualité. Nouveau directeur artistique, le pianiste Jean-Philippe Collard a d’ailleurs de choisi de recentrer la programmation sur la musique « classique » et faire du festival l’un des premiers du genre en France. C’est ce que l’on a pu vérifier lors des deux concerts du dernier jour de cette cuvée 2013.

C’est tout d’abord à la pratique amateur du piano que le récital de l’après-midi fait honneur, dans le petit Théâtre du Chemin Vert. Lauréat du concours international des grands amateurs plébiscité et par la presse et par le public, Sylvain Carpentier, mathématicien doctorant à l’ENS Ulm, ouvre son programme éclectique par deux Duettos de Bach aussi rigoureux que lumineux. Le sens de la construction que l’on entend dans la Sonate n°22 en fa majeur de Beethoven sied tout à fait à cet esprit scientifique – on reconnaît les originalités expérimentales de cette œuvre en deux mouvements intermédiaire entre la Waldstein et l’Appassionata. La maîtrise technique, on la retrouve dans  la Fantaisie en fa mineur de Chopin, que l’on pourrait souhaiter plus nuancée quant aux textures et aux couleurs. Plus incarnée également. Même remarque pour le Debussy épuré des Masques dont l’esthétique décantée se retrouve dans l’intemporelle Etude Arc-en-ciel de Ligeti, une des plus belles pages pour le piano écrit ces vingt dernières années, avant une très virtuose Etude de Rachmaninov.

Valeurs sûres et découverte à Saint-Rémi

Le soir, rendez-vous basilique Saint-Rémi avec Laurence Equilbey et son ensemble accentus pour le Requiem de Mozart. Rien de tel qu’un des plus célèbres chef-d’œuvre du répertoire sacré pour réunir le public en ce concert de clôture. A l’opposé d’une lenteur cérémonieuse prisée de certains, Laurence Equilbey adopte des tempi allants, au risque d’une relative précipitation. Grâce à une clarté dans la mise en place, témoignage de l’excellence du chœur accentus et de sa directrice artistique, le « Kyrie » s’anime avec une belle fluidité. Mais d’autres passages, tels le « Recordare », en ressortent comme lessivés. Cet essorage constant de la partition finit d’ailleurs par lasser. Côté voix, Sandrine Piau démontre une fraîcheur irrésistible, tandis que Sara Mingardo se démarque surtout par la couleur sombre de son contralto. Plus discutable en revanche le ténor Markus Brutscher, et une basse, Johannes Weisser, qui ne laisse rien de très mémorable.

La surprise venait de la première pièce de la soirée, le Miserere de Zelenka, compositeur tchèque contemporain de Bach, au moins aussi célèbre en son temps. La partition s’ouvre sur un ostinato puissant, romantique avant l’heure – et qui aurait gagné à plus de transparence de la part des cordes. Et puis arrive une fugue très serrée due à … Frescobaldi. Zelenka a inséré dans son œuvre une page écrite un siècle auparavant. Le procédé se révèle pour le moins surprenant, même si cet hommage aux maîtres du passé était bien davantage dans l’air de l’époque baroque. Vient alors le délicat solo «Gloria Patri» avec une lumineuse Sandrine Piau, musicienne accomplie jusqu’au bout des aigus, avant un chœur et le retour au thème initial. Étonnante découverte qui prouve que le salut se trouve parfois hors des sentiers battus – l’une des raisons d’être des festivals, n’est-ce pas ?

GC

Flâneries musicales de Reims, du 20 juin au 12 juillet et pique-nique musical le 20 juillet voir info

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