Initié par Claude Samuel en 1991, le Festival Présences de Radio France s’est donné dès ses débuts la mission de rendre accessible au plus grand nombre la musique contemporaine, dans une diversité trop souvent ignorée. Longtemps gratuites, les manifestations sont devenues payantes depuis quelques années, à des tarifs cependant presque symboliques – généralement cinq ou dix euros, l’équivalent d’un ciné – tandis que les concerts sont enregistrés ou diffusés en direct, histoire de tirer profit des ressources de la Maison de la Radio pour ne pas limiter le public aux seuls parisiens qui acceptent de s’engouffrer dans le seizième pour affronter un service de sécurité plus proche de la geôle que de l’accueil.
L’édition 2017 met à l’honneur une compositrice devenue presque familière des mélomanes français : née en Finlande, Kaija Saariaho est installée à Paris depuis plusieurs décennies et ses opéras ont tous été joués en France – L’Amour de loin en concert au Châtelet et repris en décembre dernier dans une nouvelle production réglée au Met par Robert Lepage et diffusée sur les écrans, Adriana Mater commandé par Gerard Mortier à la Bastille en 2006, et malmené par les grèves, Emilie à Lyon en 2010, et l’an prochain, à Garnier, Only the Sound Remains, récemment créé à Amsterdam. Si les salles de Radio France ne permettent pas de mettre en scène la partie lyrique de l’oeuvre de la finlandaise, le panorama proposé par le festival n’empêche nullement d’embrasser le parcours de la musicienne, mis en perspective avec ses affinités plus ou moins électives.
Les voix de Kaija Saariaho
La soirée d’ouverture à l’Auditorium avec le Philharmonique de Radio-France autorise même un aperçu de sa production opératique avec le cycle Adriana Songs, tiré de son ouvrage (presque) éponyme sur les mêmes textes d’Amin Maalouf, et donné en création française. Nora Gubisch se révèle experte à faire palpiter la sensibilité retenue, quasi onirique, d’une pièce qui résonne aujourd’hui avec une acuité inaltérée, sous la baguette de Dima Slobodeniouk, aussi soucieuse de nourrir les climats de Graal Théâtre, concerto pour violon assumé par la virtuosité de Jennifer Koh. Penchant un peu trop pour la saturation acoustique, Denkklänge de Raphaël Cendo ne manque pas pour autant d’une certaine dimension ludique mise en valeur par le travail attentif de la phalange parisienne.
Evoquons enfin dans le foisonnement de la semaine deux soirées au Studio 104. Elaboré autour du quatuor à cordes, le concert du lundi 13 associe la subtilité de l’écriture de Brains de Misato Mochizuki, en première mondiale par les Diotima au statisme sonore de Ramon Latzano avec Etze, tandis que la clarinette de Kari Kriikku laisse s’épanouir le lyrisme du Lied de Berio et se joint aux Diotima et au piano de Tuija Hakkila pour l’inventive et efficace théâtralité de Figura de Saariaho – démontrant sans équivoque la vitalité d’un répertoire chambriste loin de rester confiné dans l’abstraction. Deux jours plus tard, la vocalité est à l’honneur avec l’Ensemble Accroche Note, jusque dans sa version instrumentale, et parfois un rien bavarde, comme dans l’Ansioso quasi con gioia pour clarinette basse de Stefano Gervasoni.
Par Gilles Charlassier
Festival Présences Radio-France, Maison de la Radio, du 10 au 19 février 2017