3 mai 2017
Printemps lyrique à Florence

L’arrivée des beaux jours invite à profiter des innombrables beautés architecturales de Florence, ou flâner le long de l’Arno, sans pour autant négliger la programmation lyrique de la cité toscane. A quelques semaines du célèbre festival du Mai musical florentin, désormais octogénaire, l’Opéra de Florence n’attend pas pour nourrir les mélomanes. Le menu s’ouvre au milieu d’une chaude après-midi de fin mars, au Teatro Goldoni, petit écrin du début du dix-neuvième siècle niché dans une petite rue de l’Oltrarno, à deux pas du Pitti et du jardin Boboli, et que l’institution lyrique florentine investit pour les formats réduits, et en particulier le baroque, et, à l’occasion, des matinées scolaires.
Loin de se réduire à la rivalité plus légendaire qu’historique avec Mozart, et dont le film de Milos Forman, Amadeus, a amplifié la rumeur, Salieri a laissé un appréciable corpus d’opéra, au sein duquel, Giovanni Battista Rigon a choisi La scuola de gelosi (L’école des amants). Le chef italien, également directeur des Settimane musicale de Vicence, accompagne les musiciens de l’Orchestre du Mai musical florentin dans la mise en valeur des saveurs originelles d’une comédie plaisante, quoique parfois un peu bavarde. La mise en scène réglée par Italo Nunziata se met au diapason de la vitalité expressive de la baguette, sans chercher à conceptualiser inutilement. On applaudira la fraîcheur de la distribution vocale, entre le couple comtal Bandiera dévolu à Patrick Kabongo Mubenga et Francesca Longari, Benjamin Cho et Eleonora Belloci en Blasio et Ernestina, sans oublier Quianming Dou et Ana Victoria Pitts, respectivement Lumaca et Carlotta.

De Salieri à Mozart

Pressant le pas à la sortie pour rejoindre le nouvel Opéra inauguré il y a quelques années porte de Prato, à une dizaine de minutes à pied du centre, c’est une nouvelle production de La Flûte enchantée qui nous attend. Abondamment programmé sur les planches depuis deux siècles, le chef-d’oeuvre de Mozart recèle visiblement encore des ressources pour stimuler l’imagination des metteurs en scène. L’un des italiens les plus en vue sur la place lyrique d’aujourd’hui, Damiano Michieletto, a choisi de souligner la dimension pédagogique de l’ouvrage, en s’appuyant sur la scénographie de Paolo Fantin qui développe, non sans poésie, le parallèle avec le tableau noir de l’école. Il n’est alors pas indispensable de s’appesantir sur les symboles maçonniques pour restituer l’ensemble des enjeux dramatiques du livret.
Conjuguant plaisir et intelligence, le spectacle n’en oublie pas les oreilles. En Tamino, Juan Francisco Gatell fait rayonner une belle légèreté lyrique, aux côtés de la Pamina sensible incarnée par Ekaterina Sadovnikova. Olga Pudova ne manque pas de l’éclat exigé par la Reine de la nuit. Alessio Arduini affirme un Papageno de bonne tenue, auquel ne résiste pas la Papagena de Giulia Bolcato. Goran Juric assume un Sarastro solide, tandis que Marcello Nardis réserve un honnête Monostatos. Heera bae, Cecilia Bernini et Veta Pilipenko ne déparent pas en trois dames, quand les trio d’enfants est puisé dans les effectifs des Münchner Knabenchor. Préparés par Lorenzo Fratini, les choeurs contribuent, conjointement à la direction de Roland Böer, à mener à bon terme une estimable soirée.

Doublé Damiano Michielietto

On retrouve quelques semaines plus tard Damiano Michieletto aux prises avec l’Idoménée de Mozart, importé du Theater an der Wien de Vienne, et présenté, dans le cadre du Mai musical florentin et de la désignation de Pistoia comme capitale italienne de la culture de l’année 2017, au Théâtre de Pistoia. Si, hors de Florence, la Toscane prend, pour qui la visite, généralement le visage de Sienne ou de Pise, il serait pourtant dommage de ne pas profiter de ce coup de projecteur sur une ville bien plus proche du berceau des Médicis, certes au patrimoine moindre que ses voisines. D’autant que l’opera seria qui y est donné en ce début de festival de printemps reste relativement moins donné que les autres grands titres mozartiens.
Avec la complicité, habituelle, de Paolo Fantin, le drame du roi de Crète, dont le pivot est la relation entre père et fils auquel Wolfgang n’a pu manquer de méditer, sinon de s’identifier, ne fait pas l’impasse sur une cruauté guère amidonnée, dont la crudité visuelle n’est aucunement tamisée par les lumières d’Alessandro Carletti. Dans le rôle-titre, Michael Schade confirme sa connaissance intime du personnage, au-delà de son timbre. Rachel Kelly esquisse sans faiblesse l’adolescence d’Idamante, à laquelle répond la luminosité aérienne et savoureuse d’Ekaterina Sadovnikova en Ilia. Carmela Remigio rehausse avec un bel instinct les aspérités d’Electre. On n’ignorera pas l’Arbace de Leonardo Cortellazzi, ainsi que les interventions de Mirko Guadagnini et de Chanyoung Lee, le premier grand prêtre de Neptune, et le second, voix de l’oracle par laquelle se résout le sacrifice. Comme à l’accoutumée, Lorenzo Fratini règle les effectifs choraux. A la tête de l’Orchestre du Mai musical florentin, Guanluca Capuano s’attache aux ressources de la partition.

Par Gilles Charlassier

La scuola de gelosi, Salieri ; La Flûte enchantée, Mozart, Florence, mars 2017 ; Idomenée, Mozart, Pistoia, avril 2017

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