15 avril 2017
Premier tour : J moins 7

Dans une semaine la campagne se sera tue. Nous aurons droit à une journée de silence afin qu’en conscience nous choisissions qui nous estimons les plus aptes à être qualifiés pour le second tour. Un court moment de silence afin que nos réflexions, nos adhésions, nos sensibilités mais aussi nos sentiments puissent se cristalliser. Une pause, de vendredi minuit à dimanche vingt heures, afin que sereinement nous décidions de notre destin. Et qu’il est temps que cette campagne se taise un peu. Que le calme revienne et qu’il nous permette de décider quel futur nous allons choisir pour la France. Serons-nous des « patriotes enragés », serons- nous des «marcheurs flous», serons-nous des «insoumis en colère», serons-nous des « libéraux volontaires », serons-nous des « cœurs battants » ? En attendant, le bruit et la fureur de la dernière semaine de campagne vont se faire entendre. Les courbes folles des sondages nous promettent des surprises. Les intentions de votes nous laissent entrevoir une recomposition. Autour de qui se fera-t-elle ? Qui sera battu ? Qui triomphera ? Qui se sera faufilé avec aisance jusqu’au second tour déjouant tous les pronostics ? Il est temps que tout cela trouve une réponse. Vivement dimanche prochain !

Trêve pascale

Ce weekend de Pâques, propice aux discussions familiales autour d’un bon gigot, va permettre à chacun de mesurer les choix de son entourage. Qui est fidèle à ses convictions, qui s’est laissé séduire par un discours ou un candidat, qui est résigné, qui s’abstiendra, qui s’est affranchi de tout et est bien décidé à foutre à toute la classe politique un bon coup de pied au cul. Bref, ces réunions dominicales vont permettre de débattre, de s’engueuler, de tomber d’accord, peut-être aussi de se convaincre. Les candidats le savent et les deux favoris des sondages ont choisi le lundi 17 avril pour organiser un grand raout parisien. Bercy pour Macron, le Zénith pour Le Pen, bataille de chiffre et démonstration de puissance en perspective. A six jours du premier tour les deux candidats en tête, dont l’avance fond comme neige au soleil, preuve sans doute d’une grande maturité des français concernant leurs propositions politiques, veulent se rassurer eux-mêmes. Marine Le Pen caracolait à 27% il n’y a pas si longtemps. Emmanuel Macron, fort du secours de François Bayrou, s’était redonné de l’air et avait réussi à se créer une confortable avance sur un François Fillon alors en troisième position. Mais il n’en est plus de même aujourd’hui.

Des favoris en danger

Après des prestations ratées lors des deux débats et une polémique inutile et affligeante à propos du Vel’ d’Hiv’, Marine Le Pen semble payer le prix d’une mauvaise campagne au ton apocalyptique sans que jamais elle ne suscite l’adhésion et offre une vision généreuse de l’avenir. Certes, ses soutiens sont fidèles et certains de leur choix, mais la dernière ligne droite semble être périlleuse. D’autant plus périlleuse du fait de la remontée spectaculaire de Jean- Luc Mélenchon. Le discours lepéniste sur l’Etat fort, l’Etat stratège ou la défense des ouvriers a pu convaincre des femmes et des hommes de gauche de rejoindre la candidate frontiste. Mais avec la désormais possible qualification de Jean-Luc Mélenchon au second tour, ces électeurs ne vont-ils pas déserter le FN pour s’en retourner vers la France Insoumise, si heureux que la gauche puisse, contre toute attente, être présente au second tour de scrutin ? Il en va de même pour Emmanuel Macron. Les électeurs dégoutés par tant de décennies d’impuissance ont pu trouver en lui une solution pour faire avancer le pays et le réformer dans une certaine concorde. Mais au fil du temps, de débats mollassons en meetings insipides, la baudruche macronnienne est en train de lentement se dégonfler. Les électeurs refusent de se laisser abuser et de lui offrir un blanc-seing. Sa volonté de rassemblement tout azimut s’apparente de plus en plus à une constellation floue d’ambitieux se disputant déjà ministères et investitures. La dernière semaine de campagne sera cruciale pour les marcheurs qui, eux aussi, face à la menace Jean-Luc Mélenchon, espoir inattendu d’une gauche radicale et enflammée, risquent gros. Avec un François Hollande en embuscade pour lui apporter son soutien – ce qui n’arrangerait guère Emmanuel Macron, déjà encombré du soutien de Manuel Valls, et qui le ferait apparaître pour ce qu’il est : l’héritier du quinquennat –, il incarne de plus en plus l’homme d’un système ancien.

Les illusions perdues

Quant aux deux autres, force est de constater que l’étiquette d’un grand parti n’est absolument plus une garantie de qualification. François Fillon semble se résigner au supplice de la roue qui l’attend dès lundi prochain, quant à Benoît Hamon, pourtant si frais et si pertinent dans ses propositions, il semble désormais se battre pour ne pas tomber encore plus bas. Quelle injustice tout de même pour ces deux hommes qui incarnent au-delà d’eux-mêmes une histoire, celle des partis qui depuis 1958 structurent peu ou prou notre vie démocratique. Quelle injustice pour François Fillon et Benoît Hamon que leurs voix – pour des raisons éminemment différentes – ne portent pas suffisamment fort face aux imprécateurs et aux tribuns de tous horizons. Marine Le Pen prône l’apaisement mais réclame des têtes, Jean-Luc Mélenchon promet d’unir en dégageant les empêcheurs du « grand soir » et même Emmanuel Macron, dans une distorsion absurde, en voulant mettre au rencard les vieilles habitudes, prône, lui aussi, une sorte de révolution. Certes plus douce mais aussi moins franche.

Les français choisiront-ils en définitive cette révolution là ? Ce changement sans risque si giscardien ? Plus que sept jours pour le savoir, en attendant, les pavés sont battus, les estrades sont parcourues, les salles remplies et les tracts distribués. Quoi qu’il se passe, personne ne pourra dire que la démocratie française n’est pas vivante. C’est peut-être déjà la première victoire de cette présidentielle !

Par Ghislain Graziani

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