4 août 2018
Prades hors des sentiers battus

Personnalité hors du commun, Pablo Casals n’était pas seulement un musicien exceptionnel : ambassadeur de son instrument, il l’était aussi de la paix. Directeur du festival qui porte le nom du violoncelliste catalan et a fait connaître Prades au-delà des frontières, Michel Lethiec a choisi de placer cette édition 2018 à cette enseigne pacificatrice. Comme à son habitude, il concocte un menu riche et varié, qui exprime toute la diversité du répertoire de chambre, et des innombrables transcriptions qui l’élargissent encore. De même la géographie ne saurait être un obstacle, et l’itinérance dans la plaine de Conflent, voire au-delà dans la montagne, est désormais inscrite dans les gênes du festival, investissant parfois des lieux inattendus pour la musique.
Ainsi en est-il de la grotte des Canalettes, creuset de stalactites et stalagmites où les formations géologiques ont façonné des concrétions suggestives, évoquant la Sagrada Familia ou la Vierge et l’Enfant dans une salle nommée le Temple d’Angkor, le sanctuaire de la visite, où se tient le concert de ce mardi 31 juillet, dans une fraîcheur à une quinzaine de degrés bienvenue en ces temps de canicule. En un peu plus d’une heure, Michel Lethiec et ses amis invitent, avec le programme « Mélodies en sous-sol », à un opportun voyage musical à la manière d’un clin-d’oeil, depuis Sous la terre jusqu’au Paradis, titre des deux mouvements du Quintette à vents n°2 de Miguel del Águila qui encadrent la soirée. La première pièce joue de demi-teintes feutrées et d’effets de spatialisation avec les appels du hautbois au fond de la salle, dans une avancée mélodique à tâtons comme dans une pénombre incertaine. Le finale contraste par une exubérance cinématographique aux allures de comédie italienne, avec un humour égal à la virtuosité : la jubilation de couleurs et de rythmes se révèle communicative.

De l’ombre à la lumière

Le reste de la soirée ne manque pas de saveur. Après un Prélude et fugue en sol mineur K.404a de Mozart, qui reprend une page de Bach, au violon et violoncelle, on retrouve notre ensemble formé autour de la clarinette de Michel Lethiec, de la flûte de Patrick Gallois au basson de Carlo Colombo, en passant par le hautbois de Jean-Louis Capezzali et André Cazalet au cor, pour un surprenant Quintette à vents de Arvo Pärt, compositeur estonien aujourd’hui connu pour son mysticisme hypnotique. En trois mouvements brefs, vif, lent et modéré, c’est toute une fantaisie qui s’exprime dans des éclats de thèmes d’une modernité aussi inventive que séduisante. Les légendaires Talich – avec une nouvelle génération de solistes – restituent la vitalité du Quatuor à cordes en ré majeur opus 50 n°6 de Haydn, surnommé « La grenouille » pour son foisonnant Allegro con spirito final. On reste dans la thématique de l’humidité caverneuse avec l’ouverture La grotte de Fingal de Mendelssohn, arrangé pour formation de chambre par David Walter, et où les rassemblent, dans une belle complicité, tous les musiciens du concert. Si les couleurs de l’harmonie demeurent intactes, le bouillonnement tempétueux des cordes doit s’accommoder de la diététique de l’effectif à la fin du morceau. Cela fait partie du jeu, et ne disqualifie aucunement l’aventure et sa légitimité. A Prades, la musique reste une et indivisible.

Par Gilles Charlassier

Festival de Prades, du 26 juillet au 13 août 2018 – concert du 31 juillet aux Canalettes

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