9 mars 2012
JC Gautrand/ Portrait of a Lady

« Paris, ville universelle où chaque pas sur un pont, sur une place rappelle un grand passé, où à chaque coin de rue s’est déroulé un fragment d’histoire. » Ainsi Goethe voyait-il la ville lumière. Après sa déclaration d’amour dans « Paris, je t’aime » Jean-Claude Gautrand,  expert en photographie, historien, journaliste, critique et photographe lui même, récidive. A l’arrivée, « Paris « , un livre d’art toujours aux éditions Taschen, quatre kilos, 600 pages; un portrait magistral à travers 500 photographies qui raconte cette ville qu’on dit être la plus belle du monde. A la fois historique et artistique, cette fois textes et photos se mêlent, le monumental et le quotidien, les choses et les gens. Willy Ronis, Doisneau, Cartier-Bersson, Izis cohabitent ainsi  avec Brassai, Charles Nègre, ou Nadar.

De Haussmann à la Commune

De la monarchie de Juillet à aujourd’hui, c’est Paris qui danse, qui défile, qui s’insurge, qui souffre, qui respire au fil des pages. Il faut ainsi les voir ces étudiants de Polytechnique, se tenant par les épaules dans la cour de leur école tandis que les grands magasins apparaissent, Le Bon marché, Le Bazar de l’hôtel de ville ou la Samaritaine. Napoléon III va alors redessiner la capitale avec le baron Haussmann.

Des rues entières s’écroulent, des quartiers sont réduits à néant. Tout cela pour qu’en cas d’insurrection, l’armée puisse efficacement intervenir…et qu’aujourd’hui, le flot des voitures s’écoule. Montmartre est à l’époque une butte recouverte d’herbe, accueillant des moulins à vent,  marchands de coco ou joueurs d’orgue arpentent les rues;  la Seine, elle, accueille quantités de bateaux lavoirs, ou offre bains chauds, bains à fleurs et bain à la russe, l’eau n’étant pas distribuée dans tous les immeubles. Mais voilà la Commune, le château des Tuileries, l’Hôtel de Ville brûlent, les barricades sont dans toutes les rues. Puis, l’emblème de Paris qui ne le sait pas encore, qui pousse à la faveur d’une Exposition universelle, la Tour Eiffel, faisant dire à Blaise Cendrars « Mes yeux vont jusqu’au soleil… ». Maxim’s, le café Weber, les bouquinistes sont déjà là, l’Arc de Triomphe se couvre de crêpe, Victor Hugo est mort.

Paris est une fête

1910, la grande crue, la gare Saint Lazare est envahie par les eaux, le métro quadrille la ville. 1929, la soupe populaire, la porte de Clignancourt est couverte de terrains vagues et de taudis, « c’est fait pour qu’on crève, lentement mais à coup sûr, entre l’urine des clebs, la crotte, les glaviots, le gaz qui fuit » écrit Louis-Ferdinand Céline tandis que l’Exposition coloniale reconstitue le temple d’Angkor Vat au bois de Vincennes. Les femmes se dévêtent pour gagner leur vie, prostituées ou modèles tandis que Chanel habille les plus riches sous l’œil de Man Ray. La guerre arrive, Hitler pose devant la Tour Eiffel, la rue de Rivoli se couvre de drapeaux nazis. Doisneau, Zucca, Capa, Lartigue mitraillent, à leur façon. Enfin, De Gaulle descend les Champs-Elysées, Jean Paul Sartre adopte le Flore, « notre club, et pour l’imaginer, il faut réaliser que pour ceux qui y vivaient, le reste de Paris était une forêt vierge ». Doisneau photographie pour Vogue les concierges, les amoureux. Boubat, Sabine Weiss, Willy Ronis, Izis accumulent les clichés plein de poésie- petite fille couverte de feuilles pour l’un, Jacques Prévert et son briard pour l’autre. Le Paris de années 60 est une fête pour Hemingway, un décor unique pour les photos de mode de William Klein, Horvat, Blumenfeld puis Jean Loup Sieff et Helmut Newton.

Au fil des pages, le Paris d’aujourd’hui, se construit avec Christo qui emballe le Pont neuf, la pyramide du Louvre qui surgit. La lecture s’achève sur la biographie de tous ces hommes et peu de femmes qui fixèrent dans l’éternité cette ville qui changera encore et n’en finira jamais d’être photographiée, en espérant que des livres aussi beaux que celui ci continueront de lui rendre hommage.

Par Laetitia Monsacré

 

 

Paris, Portrait d’une ville, aux éditions Taschen, 50 euros

 

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