5 juillet 2012

Le dernier mariage remontait à six années. Ce n’était pas difficile de s’en souvenir, dans le ventre de Margot, il y avait son fils. Cette fois, il n’y avait plus rien, de père non plus. Le train cheminait dans la lande, un soleil un peu faible perçait à travers les nuages. On descendait vers le sud mais il semblait ne pas devoir en demander trop. Ne pas en demander du tout d’ailleurs avec une voiture qui tombe en panne avec comme résultante, une heure et demie d’attente sur un quai,  morne et laid. Dieu ou je ne sais qui me met à l’épreuve se dit-elle. Ces valises débordant dans le couloir, ce vieux wagon, la banquette douteuse, tout serait oublié si tel un sonar, Margot repérait en arrivant celui qui donnerait un sens à cette soirée puis plus si les astres le voulaient. La villa quoique un peu défraichie donnait sur la mer avec un jardin plongeant vers les vagues; le vent soufflait, la musique, les invités, Margot sut en quelques minutes que le miracle n’aurait pas lieu, comme il avait pu vaguement exister entre ces deux personnes qui venaient de signer un contrat devant le maire. Ouf, au moins avait-elle échappé à cela en arrivant aussi tard. Pour le reste, il faudrait tenir au milieu de tous ces visages connus pour lesquels elle aurait volontiers traversé la rue si elle les avait croisés à Paris. Voilà donc ce qu’elle aurait regretté si elle n’était pas venue; ce lent poison que l’on nomme l’imagination qui lui aurait fait croire des jours durant être passée à côté de quelque chose…Ce quelque chose qui était pour l’instant un agent immobilier qui lui vantait un loft à Paris, bientôt rejoint par sa femme avec un regard haineux de propriétaire. Margot demanda l’heure, 23heures 15. Pas de diner assis de prévu, trois huitres en bataille et un mauvais champagne, tenir lui semblait au dessus de ses forces. Comme elle regrettait son salon dominant la dune, la douceur de son plaid préféré, les chahuts de ses enfants. Un homme et deux femmes venaient de disparaitre dans la cuisine, fermant la porte sur eux, sans doute s’en mettre plein les narines. Une issue comme une autre. Puis, une pièce montée improbable arriva. Des choux que l’on tenta de faire tenir en équilibre avec la figurine classique en haut. Il y eut une photo et puis dans l’indifférence générale, le gâteau se mit à tanguer, se désolidariser. Tout le monde avait déjà la tête ailleurs, les mariés comme les invités. La vie avait donné son maximum ce soir là. A Margot comme aux autres. Sans doute certains y étaient habitués, elle seule semblait vouloir encore lutter. Espérer. Elle prit alors une profonde inspiration et franchit la grille, libre de s’enfoncer dans la nuit, laissant ses dernières illusions sur le mariage derrière elle. Demain, elle serait rentrée, et le prochain carton  » vous prie d ‘assister à leur union »irait directement dans la poubelle. Sans regret.

Par April Wheeler

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