1 décembre 2012
Philip Roth/ Dernier état de fait

Pour son dernier roman, Philip Roth convoque la vengeance divine, l’abattement du sort. Le point final d’une œuvre remarquable qui nous confirme de plus belle le talent d’un auteur à la prose magnifique. Magnifique d’une part car la langue est fluide et agréable, évidente, et d’autre part car, on n’a plus vraiment pour habitude de lire un récit de la sorte, une intrigue au sens véritable du terme littéraire, une aventure tout aussi éprouvante physiquement qu’intérieurement. Philip Roth, tout en restant à la surface des choses qu’il transcrit, demeurant dans une écriture franche mais faite de pureté, évincée de toute prétention, parvient à nous livrer une atmosphère réelle, avec son ambiance, sa température, sa couleur, et avec un style XXème siècle comme on l’aime. Morceau de bravoure pour un auteur qui a consacré toute sa vie à la littérature et qui a maintenant 78 ans, et quelques milliers de pages noircies par le fruit de son talent, déclare qu’il arrête la littérature : « j’en ai fini… moi qui enchaînais livre sur livre, je n’ai rien écrit depuis trois ans ».

Un héros en crise

Bucky Cantor, 23 ans et réformé pour ses problèmes de vue, dirige le terrain de jeu de Newark aux Etats-Unis pendant l’été 1944. Apprécié de tous, bon gabarit, sportif et vif, ce jeune homme semble avoir la maturité d’un homme de dix ou vingt ans de plus, avec ce même sens du devoir, de la morale, de la responsabilité. Mais le roc qu’est le protagoniste trouve sa faille lorsqu’une épidémie de polio frappe la ville et les enfants du terrain. Ils disparaissent les uns après les autres contractant la polio chacun à leur tour, et même si Bucky s’efforce longtemps d’assurer son rôle d’homme courageux, protecteur et extrêmement vertueux, il quitte la ville pour rejoindre sa femme dans un autre camp, où la polio est absente, où les enfants sont en bonne santé, laissant derrière lui une tâche qu’il s’était pourtant promis de remplir jusqu’au bout. Mais une fois arrivé de nouveaux cas de polio apparaissent, et Bucky réalise qu’il est le porteur de la maladie. Lui même touché et affaibli, il finit par renoncer à son propre bonheur, dégoûté par la tournure tragique qu’a prit le destin. « Bucky est un homme qui se définit seulement par sa vertu, et c’est très dangereux. Ce n’est pas seulement la polio qui va ruiner sa vie, mais son aspiration à la responsabilité totale ».

 

Par Marie Fouquet

Némésis de Philip Roth chez Gallimard, 18.90€

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