18 décembre 2011
Petit pays en deuil

Deux jours pour pleurer leur  diva aux pieds nus, Cesaria Evora, viennent d’être décrétés au Cap vert. Qui mieux qu’elle sut, en effet, apporter la notoriété à cet archipel de petites îles au large du Sénégal? En à peine 20 ans, celle qui dut attendre si tard la reconnaissance- elle avait déjà 50 ans quand elle connut enfin le succès- a su personnifier mieux que quiconque cette « saudade » portugaise et donner un rayonnement international à son pays. « Ce lien qui m’attache à ma terre natale, je l’emmène avec moi partout où je vais dans le monde: c’est aussi le bâton de pèlerin sur lequel je m’appuie quand je suis fatiguée » disait-elle. Il fallait le voir, ce petit bout de femme sur scène, pieds nus en hommage aux sans abris de ce pays si pauvre et dont elle avait arpenté si longtemps les bars pour chanter; comment dans les dernières années, bougeant à peine, son orchestre l’entourait, la protégeait, certain d’être à coté de ce que d’aucuns appellent un ange. Cette voix qui s’élevait, ces mélodies réchauffant le coeur et ce regard plein de douceur qu’elle portait sur les gens. Elle était une sorte d’incarnation de la bonté, dans une fragilité et un effacement de soi assez exceptionnel chez les chanteurs. Une petite fille, en somme, qui semblait toujours ne pas en revenir d’être là.

Une reconnaissance tardive et immédiate

Pourtant, dès que sa voix avait été entendue en dehors de ce pays lointain, inconnu et oublié, le succès avait été immédiat. Comment ne pas être en effet touché par la grâce de cette voix ô combien habitée à l’image de  José da Silva, cheminot français d’origine cap-verdienne qui avait   fondu en larmes dans une boîte  de Lisbonne en l’entendant pour la première fois chanter? C’est alors lui qui dès 1988, la fera connaitre et expliquera ce lien qu’elle aura toute sa « seconde » vie durant avec la France. Malade, elle avait du abandonner la scène en septembre dernier, la mort dans l’âme: « Je veux que vous disiez à mes fans: ‘excusez-moi, mais maintenant, je dois me reposer. Je regrette infiniment de devoir m’absenter pour cause de maladie, j’aurais voulu donner encore du plaisir à ceux qui m’ont suivie si longtemps' ». Si longtemps depuis Miss Perfumado, 500 000 disques vendus et cette chanson, « Sodade »,  magnifique hommage aux travailleurs  forcés qui, sous le pouvoir des colons portugais, durent travailler sans relâche dans les plantations cap-verdienne de cacao. Diabétique mais adorant le chocolat, malade mais continuant de fumer, adepte du petit verre sur la scène comme dans la vie, Cesaria Evora avait un ennemi, son corps; elle s’est aujourd’hui libérée de lui et chantera grâce à ses disques, pour longtemps encore, son « petit pays, je t’aime beaucoup »–  lequel le lui rend aujourd’hui  bien…

 

par Laetitia Monsacré

 

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