27 août 2019

Au bord de l’Adriatique, Pesaro, la ville natale de Rossini, organise depuis désormais plus de quatre décennies un festival en l’honneur du célèbre compositeur italien. Dans le centre, le Teatro Rossini propose certains spectacles aux dimensions plus modestes, mais c’est à quelques kilomètres, à l’entrée de la cité des Marches, après un quart d’heure de route, dans l’Arena Vitrufugio que les vastes productions sont données. Le lieu a peut-être le charme d’un palais des sports, il présente cependant l’avantage d’une jauge et d’une scène nettement plus confortable.

Les dimensions du plateau se révèlent dans L’equivoco stravagante réglé par le prolifique duo de metteurs en scène français, Patrice Caurier et Moshe Leiser. Dessiné par Christian Fenouillat, et rehaussé par les lumières de Christophe Forey, le décor unique inscrit dans d’évidents accents domestiques la veine buffa d’une des premières oeuvres d’un jeune musicien de dix-neuf ans, créée à Bologne en 1811. L’effet de dédoublement avec des cadres de tableaux reprend un procédé certes déjà éprouvé, mais qui sert efficacement les quiproquos et les rebondissements d’une intrigue jouant de travestissements, relayés par les faux-nez des personnages habillés par Agostino Cavalca – une manière sans doute de souligner les calculs et les hypocrisies des protagonistes. L’ensemble ne manque pas de lisibilité, à défaut d’insuffler au spectacle la vitalité du livret et de la musique, sans doute figé par le statisme du dispositif et une direction d’acteurs vraisemblablement adaptée à l’échelle de la salle, peu propice aux subtilités et au second degré zygomatiques.

Equivoco plutôt sage

Dans une distribution condensée à six rôles, Teresa Iervolino s’appuie sur un timbre charnu et coloré pour servir une incarnation d’Ernestina équilibrant virtuosité et sensibilité. Celle de Paolo Bordogna résume l’autorité paternelle d’un Gamberotto qui allie santé vocale et piment comique. L’amant Ermanno revient à un inégal Pavel Kolgatin, au lyrisme néanmoins sincère. Davide Luciano impose un Buralicchio aussi solide que savoureux. Claudia Muschio ne démérite aucunement en Rosalia, quand Manuel Amati se révèle un discret Frontino, le serviteur. Préparé par Giovanni Farina, le choeur du Teatro Ventidio Basso s’acquitte sans faiblesse de son office. A la tête de l’Orchestre Symphonique National de la RAI, Carlo Rizzi compense le relatif statisme visuel par une direction enlevée, attentive aux ressources d’une partition où affleure déjà tout le génie de Rossini, chez lui à Pesaro, jusque dans les opus moins souvent sollicités par les théâtres. C’est l’une des raisons d’un festival qui, cette année encore, ne faillit pas à sa mission, pour le plaisir des amateurs comme des connaisseurs.

Par Gilles Charlassier

Rossini Opera Festival, L’equivoco stravagante, Pesaro, août 2019

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