31 juillet 2012
Patricia Cottron-Daubigné/  Fin de partie

« Après que chacun a déposé son bleu qui brûle longtemps dans les odeurs noires, dans le grand trou, après que chacun de son temps d’ouvrier fut réduit en cendres, ils ont descendu l’énorme roulement installé à l’étage qui montrait à tous, visiteurs, acheteurs, l’extraordinaire savoir-faire des ouvriers. » Voilà c’est fini. L’usine va fermer. On l’occupera l’été, on se relaiera mais bientôt il faudra monter les marches qui conduisent aux bureaux des cadres et repartir, le « coeur gros », la lettre de licenciement dans les mains encore noires de cambouis. Trois mois, ils ont attendu de savoir qui serait appelé, malgré 500 millions d’euros de bénéfice,  qui ne reviendrait plus dans cette usine, déjà transférée auparavant d’une région à l’autre, les efforts déjà demandés avant d’annoncer que non, tout cela n’avait servi à rien: ce serait la Bulgarie. Ces histoires-là, il y en a des centaines, surtout  cet été, Arcelor Mital, Peugeot, tous ces visages que l’on découvre à longueur de journaux télévisés avec un ministre beau gosse qui promet que cela ne se passera pas comme ça et un président qui y joue de sa crédibilité. Croquis Démolition par son écriture poétique qui suit lentement le chemin de croix de ces hommes et ces femmes, épouses, mères est un petit livre magnifique. « Je donnerai leur voix pour témoigner, d’avoir en soi ce qui s’effondre, l’existence sans le travail. «  Celle qui écrit est la femme de l’un d’eux, longtemps elle a lavé ce bleu de travail sans jamais pouvoir chasser l’odeur de l’usine, de la graisse. Avec ses phrases taillées comme des silex, elle offre un regard remarquable de dignité sur toute la désespérance de ces hommes que le système broie en toute impunité.

LM

Croquis-Démolition de Patricia Cottron Daubigné aux Editions de La Différence-10 euros

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