5 novembre 2013
Eric Naulleau/ Passer le ballon

Dans Ça balance à Paris sur la chaîne du câble Paris Première, Eric Naulleau a les manettes. Plus question de tandem, comme lorsqu’il officie avec Eric Zemmour; mais pas question non plus de la jouer cavalier seul, entouré d’une bande de chroniqueurs, façon capitaine d’équipe pour ce passionné de foot, joueur amateur à ses heures. Ancien éditeur, spécialisé un temps dans le livre bulgare –« lesquels sont plein d’humour contrairement à ce que l’on croit, question de survie en temps de communisme!  »  il est présent sur le plateau comme sur un terrain, donnant la parole à l’un, recevant l’autre -en l’occurrence un écrivain ou un comédien qui pourra répondre aux éloges ou aux critiques- selon.  Le résultat: une émission qui chaque semaine parle de livres, films et autres pièces de théâtre, avec une salvatrice liberté de ton, loin de l’ambiance entre initiés ou du happening épuisant que l’on peut voir ailleurs. Nulle nervosité en effet chez cet animateur qui dit se mettre avant tout au service de son émission et se prête volontiers à cette interview retardée par un jeu de cache-cache dans un bar de Belleville où il a ses habitudes.

Y-a-t’il selon vous une façon à la télévision d’éviter en matière de culture le publireportage ou du rentre-dedans aujourd’hui? 

C’est vrai que la norme est plutôt au discours policé sur le mode de la promotion, mais Ça balance à Paris n’a jamais eu la vocation de créer une opposition qui n’existerait pas ; la confrontation avec l’invité « mystère » met de l’électricité dans l’air et peut aller jusqu’à l’électrocution mais l’idée est avant tout de sortir du « rail promotionnel ».

Mais par rapport à M6 qui est propriétaire de la chaîne et produit par ailleurs films et spectacles, comment cela se passe-t’il?

La liberté est totale.

L’équipe de chroniqueurs fonctionne comment?

Il y a un noyau dur avec Thomas Hervé,  Arnaud Viviant, Mazarine Pingeot ou encore Philippe Tesson, et puis on « caste » de nouvelles personnes chaque année avec toujours à l’esprit de respecter la notion de bande. Mon job est de temporiser les avis et de distribuer les temps de parole, en la libérant. Qu’il se dise des choses.

Il demande alors à ce que l’on baisse la musique, très rock mais un peu trop présente à cette heure creuse…

J’ai d’ailleurs commencé ma carrière à la télévision comme chroniqueur sur cette émission, après avoir été invité suite à l’ écriture d’ un pamphlet sur Houellebecq.

Vous n’avez pas de regrets de n’avoir désormais que le rôle de chef de gare ?

Les deux me conviennent; j’ai été suffisamment  longtemps chroniqueur dans l’émission pour avoir l’ impression d’en avoir fait le tour. Mais c’est intéressant d’être passé par là car de fait, je connais ainsi bien leur boulot.

Pour vous, la transversalité -aborder un maximum de formes de cultures- est importante?

Elle correspond à mes goûts;  bien que mes origines soient dans le livre, j’ai toujours aimé le cinéma, le théâtre. Pour les chroniqueurs, cette diversité est importante aussi. Je suis cependant le seul qui ait tout lu ou tout vu pour chaque émission en laissant un maximum d’improvisation à chacun sur les sujets qu’il aborde. J’aime la spontanéité sinon je m’ennuie, c’est donc la rédactrice en chef qui prépare en amont  les interventions avec les chroniqueurs.

Comment se fait le choix de vos invités? Certains refusent de venir, connaissant la règle du jeu?

Oui, beaucoup. J’ai une constante, c’est de les prévenir en amont de « l’ambiance générale »-combien il y a d’avis favorables et défavorables sur leur oeuvre. Après, vous avez ceux qui aiment venir discuter sur un plateau  et ceux qui n’y voient pas l’intérêt. On envoie un message, à eux de voir s’ils veulent venir ou pas. Par ailleurs, certains sont très preneurs d’avoir un retour sur leur performance.

Vous sortez chaque soir?

Quasiment, entre les projections de presse pour le cinéma et les pièces de théâtre. Il m’arrive même de faire les matinées le dimanche! Il me faut en plus garder du temps pour lire, préparer mes émissions- j’écris tout, les lancements, les transitions.

Et vous ne connaissez jamais une certaine lassitude?

Non, je ne suis pas quelqu’un de blasé. Il m’arrive cependant de rentrer chez moi et de ne pas avoir envie de ressortir, surtout que ce n’est pas tous les soirs formidable… Mais, je suis en service commandé chaque semaine tout en me réservant des sorties  pour mon seul plaisir afin de ne pas devenir dingue. Sinon ce serait très triste.

Ça balance à Paris sur du hertzien, cela vous paraît envisageable?

Le problème est que sur les grosses chaînes, on décide à l’avance que la culture n’intéresse personne. Il y a une demande mais l’offre ne suit pas, avec quelque chose qui serait assez attractif pour que le public soit au rendez-vous. La France est un pays très cultivé,  je trouve que ce serait l’honneur du service public que de proposer d’autres émissions de qualité comme La Grande librairie de François Busnel sur France 5.

 

Il n’y a donc plus qu’à voir venir… En attendant, Eric Naulleau se fait plaisir tous les samedis à 17 heures 30 avec cette idée que cela soit communicatif ; le constat, dix ans plus tard, c’est que le contrat reste bien rempli avec des joueurs qui occupent comme il faut le terrain. Le ballon virtuel paraît être entre de bonnes mains…

Par Laetitia Monsacré

 

 

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